« Vous dites que vous avez le sens de l’honneur, de la famille. Moi je pense que l’honneur vous ne savez pas ce que c’est. La famille, vous la défendez quand ça vous arrange. Dans votre système, il n’y a pas de règle, pas d’honneur, pas d’amitié. Il n’y a qu’une loi : c’est celle du plus fort. Vous avez tué des gens, vous allez en tuer d’autres. Et puis, quand les aurez tous tués, vous vous tuerez entre vous ». On retrouve nos mafieux là où on les avaient laissés : sous la surveillance des flics chargés du dossier « Paoli » qui s’arrachent les cheveux, et face au juge d’instruction impuissant, simple spectateur d’un banditisme corse que rien ne semble arrêter. Aucun début de preuve sur les suspects des dizaines de meurtres des saisons précédentes, notamment celui de Jean-Michel Paoli, frère de Sandra qui a hérité du rôle de chef de clan. Pas même un seul témoignage. Par peur ou par fierté, quoiqu’il en soit, le Corse est taiseux. Il ne balance rien. Plutôt mourir.

 

Mafiosa a véritablement pris son envol à partir de la troisième saison : personnages plus matures, scénario plus fin, dialogues plus justes et, surtout, des règlements de comptes qui gagnaient en authenticité. Cette cinquième et ultime saison, réalisée par Pierre Leccia (aidé au scénario par Aurélie Teisseyre) était très attendue. Mafiosa finit comme on l’espérait : en apothéose et dans le chaos, là où la saison 4, noire et cruelle, nous avait laissé. Sandra Paoli, chef de bande des voyous de l’île de beauté, était alors arrêtée pour le meurtre de son frère. Sitôt mise en taule… et sitôt relâchée. Au grand désespoir de la fille de Jean-Michel Paoli, Carmen (Phareelle Onoyan), qui ne vit désormais plus que pour venger son père. Carmen n’est plus la gamine au second plan : la Mafiosette, comme elle était surnommée sur le tournage, est aujourd’hui devenue femme. Sa morale est partie en miette, avec les morts en cascade qui se sont étendus autour d’elle. Naît-on truand ou le devient-on ? « Ce n’est plus une enfant : c’est Sandra avec 20 ans de moins », se méfie un Tony Campana ( Eric Fraticelli) qui s’assombrit à vue d’œil au fil des épisodes, coulé par la frustration et la vanité, deux thèmes récurrents dans cet univers du vice.

 

Les fans de la série pouvaient redouter que le nouvel acteur reprenant le rôle de Manu Mordiconi, délaissé par la mort de Frédéric Graziani à la veille du tournage de la saison 5, ne soit pas à la hauteur; c’était sans compter la gueule et la prestance de Philippe Corti (eh oui !) qui reprend la difficile tâche avec élégance. La meilleure des surprises vient sûrement du commissaire Quilichini, joué par Denis Braccini : il pète littéralement les plombs entre deux cachets de Prozac, sur fond de divorce et d’échec professionnel, donnant son grain de folie à cette ultime saison. Sandra Paoli, interprétée par une Hélène Filière remarquable, décrite comme « un peu trop homme pour être un tapin et un peu trop femme pour être un voyou », tente de combler sa solitude dans les bras d’une escort girl, rencontrée dans le cercle de jeu parisien que la famille Paoli a récupéré à la saison 4. C’est ainsi qu’entre en scène Charlie (Asia Argento), aussi féminine qu’animale. La Sicilienne glamour face à la Corse aux allures de Sigourney Weaver… Une cocktail surprenant justement résumé par le showrunner : « Sandra Paoli ne pouvait pas juste se taper une pute ».

 

S’il était sûr qu’une série telle que Mafiosa ne pouvait se finir en happy end, l’intrigue faiblit quelque peu vers la fin, mais laisse tout compte fait place à un final explosif. Ces derniers épisodes soulignent les failles de ce système mafieux sous toutes ses coutures. La vengeance est la colonne vertébrale de la série, depuis le début. Mais cette dernière saison est une réflexion sur la famille, une notion plus floue qu’au premier abord. Quelle est leur vraie famille ? Celle du business ? La famille de sang ? De cœur ? C’est aussi une quête du pouvoir, montrée ici comme un puits sans fin. Jamais rassasiés, les voyous en veulent toujours plus et c’est ce qui les mènera fatalement à leur perte. Dans cet univers du banditisme, certains dictons ont la vie dure comme celui-ci, en écho aux tous premiers épisodes : « Dieu les a donnés. Dieu les a repris».