Après une saison 3 d’une irrégularité épuisante, Alex Gansa s’était décidé à faire ses adieux au Sergent Brody, personnage génialement ambigu de la première saison de Homeland dont il ne savait plus quoi faire. La saison 4, annoncée comme un reboot, était logiquement attendue par les critiques le couteau entre les dents. Désormais centrée sur le personnage aussi irritant que fascinant de Carrie Mathison, la série reprend un peu plus d’un an après les événements de la saison 3. Chef de station à Kaboul, l’ancienne analyste de la CIA se retrouve plongée au cœur d’une bavure américaine quand elle donne son aval pour neutraliser une ferme dans laquelle se trouve une cible terroriste pakistanaise. Sauf que l’attaque a eu lieu pendant un mariage, et que les pertes s’avèrent bien plus lourdes que prévues. Une quarantaine de civils, dont des femmes et des enfants, ont été abattus. Une scène qui fait écho à l’histoire de Brody, soldat retourné par un chef terroriste après l’attaque d’une école au Moyen-Orient par l’armée américaine. Retour au season premiere : un rescapé du nouveau carnage, Aayan (Suraj Sharma, vu dans L’Odyssée de Pi), jeune étudiant en médecine, a filmé toute la scène. Le scandale éclate. L’un des agents de la station de la CIA en Afghanistan, Sandy Bachman, est lynché par une foule en colère sous les yeux de Carrie et Quinn, impuissants. Rapatriée aux Etats-Unis, Carrie veut comprendre ce qui s’est passé là-bas. La mise en place de ce fil rouge permet à Homeland de revenir à son ADN : l’analyse d’une situation géopolitique explosive au Moyen-Orient, et les dégâts causés par les Etats-Unis.

A l’image de son grand frère bourrin 24 Heures Chrono (en saison 9), Homeland s’intéresse aux drones, nouvelle arme à la mode. Pilotés à distance, ils présentent des avantages considérables dans une guerre de terrain qui privilégie des cibles précises, mais les dommages collatéraux sont considérables en cas de mauvaise information. Et le personnage de Carrie, presque insensible au carnage, montre bien que son utilisation a tendance à faire perdre la réalité du terrain aux agents, qui pilotent tout à distance. D’un point de vue psychologique (l’autre grande force de Homeland), Carrie semble sur pied. En apparence. Comme anesthésiée par la mort de Brody, la jeune maman a en réalité fuit ses responsabilités. A Kaboul, elle s’applique à ordonner des exécutions de terroristes présents sur la «kill list» de la CIA. La bavure pakistanaise a le mérite de la réveiller, et de lui trouver une nouvelle obsession. Un complot se dessine, quelqu’un a trahi l’Agence… Le scandale politique l’oblige aussi à revenir en Amérique, où l’attend son bébé, élevé par sa soeur. La série s’attaque là à un sujet tabou, celui des mères qui n’arrivent pas à aimer leur enfant. Une scène de bain particulièrement troublante, où Carrie manque de noyer son bébé, révèle son mal-être profond. La jeune maman ne peut pas s’attacher à son enfant, dont la bouille et les cheveux roux lui rappellent une douloureuse histoire d’amour, achevée dans le sang. En sous-main, Carrie fait tout pour retourner à Islamabad et se replonger à corps perdu dans son travail. Autour d’elle s’agitent quelques personnages secondaires, en particulier Saul (Mandy Patinkin) et Quinn (Rupert Friend). Ce dernier, très touché par les événements au Pakistan, se pose en contrepoint de Carrie. On se doute que leur relation va prendre de l’épaisseur cette saison. Reposant sur une Claire Danes impériale dont le jeu gagne en sobriété (pas de tremblements de menton à l’horizon), le season premiere de Homeland rebat les cartes avec succès. Il conserve l’esprit de la série, parano, tordu et psychologique, et se débarrasse d’éléments devenus parasites (Brody et sa famille) pour mieux se recentrer sur son vrai sujet. Une bonne entrée en matière, à confirmer sur la longueur.