A de rares exceptions près, difficile de s’extasier pour l’instant sur le catalogue série de Netflix pour qui a pris l’habitude d’excuser les entraves au bon usage du français en se gavant de fastsub (ces épisodes traduits à la hâte pour être balançés sur le net moins de 24h après leurs diffusions US). Bonne nouvelle, BoJack Horseman fait partie de ces exceptions. Création maison de Netflix et lançée fin août aux Etats-Unis, cette série animée dans la tradition des productions de Comedy Central (South Park, Futurama, Ugly Americans) raconte les péripéties de Bojack, has been, ex-star d’une sitcom familiale ringarde. Croisement entre Tony Danza dans Madame est servie et Bob Saget dans La fête à la maison, BoJack est désormais un acteur vieillissant qui n’a rien foutu depuis 18 ans, alcoolique, confortablement installé dans une villa de Beverly Hills et sommé de rendre son autobiographie sur laquelle compte une maison d’édition au bord de la faillite. Il héberge un adulescent (Aaron “Breaking Bad” Paul, co-producteur de la série) par peur de la solitude, se tape son agent mais est terrifié à l’idée de s’engager et donne des migraines à son nègre, Diane, par son incapacité chronique à se livrer.

Fresque acide, hystérique et (à moitié) animalisée d’Hollywood, BoJack Horseman démarre sur les chapeaux de roue et enchaîne les situations stupides, hilarantes autant que les punchlines ciselées. Tout et tout le monde y passe, le féminisme de la troisième vague, les ex petites chéries de l’Amérique qui alternent entre orgies et séjour en rehab, les selfies comme signe qu’on passe un bon moment, le rapport névrosé des médias républicains au patriotisme, les anxios et la C devenus une seule et même hygiène de vie quand on crève d’ennui et qu’on a de l’argent… Tout comme la mixité entre animaux anthropomorphiques et humains, la déchéance des médiatisés est banale, socialement acceptée. Who gives a shit, right ? Et la série de progressivement basculer dans la dépression la plus sombre, à mesure que l’anti-héros se livre, bon gré mal gré, à l’auteur de son autobio. A partir du 7ème épisode, de satire échevelée sur les frasques d’Hollywood, BoJack Horseman plonge la tête la première dans l’introspection douloureuse d’un loser égocentrique dont même la sincérité des remords ne peut le sauver d’une solitude ultra-moderne. Egrénant son lot de situations absurdes en compensation salutaire de la noirceur du propos, la création de Raphaël Bob-Waksberg peut aussi irriter par son habile guet-apens attirant à elle les spectateurs par la farce burlesque pour finalement les prendre en otage d’une crise existentielle où la rigolade est belle et bien finie. Impossible par contre de ne pas saluer une première incursion réussie de Netflix dans le domaine de l’animation grinçante qui réussit en outre un véritable exploit: émouvoir avec les atermoiements d’un cheval qui voulait qu’on lui dise qu’il n’est pas trop tard.