D’abord « simple » parodie, savoureuse pour les connaisseurs, des films de blaxploitation, Black Dynamite est revenu sur les écrans en 2012 dans une série animée Adult Swim. Si la série reprenait les codes de la blaxploitation, c’était pour mieux les détourner après les avoir poussés dans leur derniers retranchements, faisant du personnage un combattant à l’égal de Sangoku et un amant digne de la plus vindicative des vidéos YouPorn. Bigger than life à l’envie, le pilote annonçait la couleur en mettant Black Dynamite face à un Michael Jackson tyrannique, période Jackson 5, qui se révélait être un extraterrestre aux penchants pédophiles déjà annoncés. Sans faire dans la dentelle et malgré une animation parfois limitée et de longs délais de production (deux ans et demi se sont écoulés depuis la fin de la première saison), Black Dynamite s’est naturellement imposée comme la descendante directe des Boondocks, aussi bien par son aptitude à céder à la roue libre totale que pour son mauvais esprit politiquement incorrect et ultra-réjouissant. Des stratosphères au dessus de la concurrence (Black-ish, Power ou Empire…) en ce qui concerne la représentation de la communauté noire et ses problématiques à la télévision, Black Dynamite est la synthèse parfaite entre l’hommage taquin mais toujours déférent à la culture Noire américaine et une conscience politique moderne et parfois dérangeante dans sa pertinence.

Dans cette deuxième saison, Black Dynamite est souvent en retrait. Les sujets forts qui auraient pu être tranquillement développés sur une durée bien plus conséquente que les vingt minutes allouées ont souvent volé la vedette au personnage titre, souvent réduit à n’être qu’un deus ex machina, bras armé de la justice du ghetto et ses opprimés. Bourrée d’idées toutes plus dingues les unes que les autres (comme ce requin habitué à dévorer les esclaves jetés à l’eau deux cents ans plus tôt est l’explication définitive quant à l’appréhension des noirs concernant les sports nautiques), ces dix nouveaux épisodes maintiennent l’équilibre entre la satire la plus offensive (l’industrie du divertissement et ses contradictions ramassent régulièrement) et le WTF le plus total (le rappeur Tyler the Creator interprète un caniche obsédé sexuel). En plus de cette fidélité et de ce plaisir évident à exploiter à fond ce qui fait l’ADN de la série, cette seconde saison surprend en se faisant tendrement méta (et respectueuse de son héritage culturel) lorsque les personnages de la série rencontrent leurs alter ego, Jim Kelly, Rudy Ray Moore et Pam Grier, acteurs mythiques de la blaxploitation, et même clairvoyante comme en témoigne cet épisode mettant en scène un particulièrement infâme Bill Cosby.

Le point d’orgue de cette saison ? Son épisode final. Sur fond de violences policières contre la communauté noire (alors que l’épisode fut diffusé quelques semaines après le scandale Ferguson), ce pastiche de la comédie musicale The Wiz dépeint chaque personnage de l’univers de la série comme un assisté ne comptant que sur une chose pour son salut : l’intervention de Black Dynamite, las d’être le seul recours de sa communauté. Difficile de ne pas y voir à la fois une critique d’un Obama trop en retrait mais aussi une critique d’une communauté pas assez pro-active au goût des auteurs. Dépité par leur action de protestation se limitant à porter leur chemise à l’envers quand ils ne sont pas dans l’immobilisme ou la posture victimaire totale, Black Dynamite les exhorte à l’action violente. Le climax de l’épisode montre la communauté noire dans une bataille à la 300 contre les forces de l’ordre, dépeintes comme des pigs de combat. Provocateur au possible alors que le débat est encore chaud. Et cathartique. Sans doute une première pour la série.

Après ce coup d’éclat, est-il étonnant d’apprendre que Adult Swim ait annulé la série, pourtant au pic de sa créativité, de son audace et de sa popularité ? Une triste nouvelle atténuée par un tweet de Carl Jones, le showrunner de la série disant en substance « you know nobody interrupts Black Dynamite’s kung fu. So he’ll be black », sans doute plus énervé que jamais. Espérons le !