Barbie, Pamela, Claudia s’imposent comme les nouveaux canons de la beauté. Oubliée La Goulue, place au « nodéfo » où le DHEA, l’anti-âge survitaminé, la liposuccion et le collagène sont nos meilleurs amis. Bientôt, tout un chacun se fera retoucher et pourra changer son apparence. Dans une société hédoniste où il ne fait pas bon être différent, Orlan propose une alternative, à l’opposé de la dictature du « beau ».

Artiste des apparences, du paraître, Orlan travaille le rapport image-identité en utilisant sa propre représentation. Orlan, dont le corps est un laboratoire, Orlan liftée, Orlan mutante, cette artiste médiatique et médiatisée n’a cessé d’expérimenter. On connaît d’elle principalement ses opérations esthétiques qui lui ont valu bien des critiques. Comment oser considérer le corps comme un outil de travail et comme finalité ? Comment critiquer l’esthétique en utilisant ses armes ? Elle a habité le bloc opératoire comme un atelier d’artiste, dénonçant par ces actes une esthétique du modèle et du marketing. Elle a visité l’histoire de l’art pour s’en approprier les critères esthétiques ; aujourd’hui son corps en est un le résumé, ou plutôt le patchwork.

Photographiée tuméfiée au sortir d’une opération, elle garde de cette époque un visage reformaté. Citant : « ceci est mon corps… ceci est mon logiciel… », celle qui, en 1982, fondait le premier magazine d’art contemporain sur Minitel a su tirer profit des avancées technologiques pour orienter son travail sur les voies de la virtualité. Du bistouri chirurgical au bistouri informatique, il n’y avait qu’un pas à franchir et Orlan devint cyber-artiste.

Au début des années 90, elle se représente sous forme de morphings, mixant son visage avec un portrait de Botticelli. En 1999 elle montre à la Maison européenne de la Photographie une série intitulée Self-Hybridations, portraits réalisés en collaboration avec un infographiste canadien : Pierre Zovilé. Orlan lui communiquait par e-mails les modifications, retouches à effectuer sur ses photos afin de leur donner des attributs de l’art précolombien : crâne déformé, strabisme, dents retaillées… Elle pioche dans l’esthétique mondiale et tombe parfois dans la re-représentation ethnique, aux limites du kitsch. L’expérience a été renouvelée l’année dernière avec pour inspiration et référence l’Afrique.

On peut reprocher à ces travaux de mettre en avant des clichés s’attachant plus à la forme qu’au fond. Par son acte d’appropriation, elle enlève à ces morceaux « volés », leur histoire et leur raison d’avoir été (pouvoir, rang social, célébration…). L’idée de la beauté pour la beauté est un concept moderne, depuis des millénaires l’homme remodèle son corps dans une démarche spirituelle. En voulant rendre hommage aux racines de l’homme, Orlan détourne et méprise l’histoire de l’humanité. Elle y perd de la crédibilité et les limites de son travail se font sentir.

A l’époque du cœur artificiel, certains rêvent de s’implanter des éléments électroniques autonomes, le cyborg, mélangeant haute technologie et carcasse de chair n’est plus un fantasme. Eduardo Kac présentait en 2000 un lapin phospho-transgénique… une nouvelle forme d’art ? A quand un clone d’Orlan ?

En attendant, le site Web de l’artiste présente toutes les facettes de son travail. Le CD-Rom regorge d’informations riches, illustrées par des vidéos, des entretiens et une banque d’images très complète.