Depuis presque vingt ans, Miss-Tic décore les vieux murs parisiens de ses pochoirs où fusion des mots et dessin prennent corps. Elle a choisi le pochoir, technique née dans les années 80 et qui symbolise le début des artistes descendus dans la rue. La rue, elle la connaît, elle l’aime, c’est un support. Le mur est choisi en fonction de son histoire, son relief, sa beauté plastique. L’art côtoie ici la vie, bien loin des galeries où elle expose de temps en temps ; son vrai terrain de jeu c’est l’urbanisme. La nuit aussi est son alliée : ce n’est que vers trois ou quatre heures du matin qu’elle peut donner un supplément d’âme aux murs puisque les peindre reste encore totalement interdit. L’art de Miss-Tic est un tout, les mots sont compagnons de l’image. La formule est recherchée, souvent trouvée, les mots sont des jeux : « Belle est bien là », « Tes faims de moi sont difficiles », « Je fume pour oublier que tu bois ». Ces mots d’esprit, toujours écrits avec une typographie anguleuse choisie, amènent autant de reconnaissance que le dessin, lui aussi très savamment étudié. Certains pochoirs rappellent la facilité avec laquelle Matisse suggère le mouvement dans ses Nu bleu. Miss-Tic est en effet dotée d’un vrai sens de l’ombre, d’une connaissance des contrastes, de la forme et… de la femme. La femme : égérie de l’artiste ; la sienne est belle, revendicative, agressive, libérée, tout le contraire d’une bimbo.

Mais la Miss refuse de s’enfermer dans un monde. La rue est un moyen, pas une fin. Elle possède un atelier où elle travaille sur différentes commandes : ici une affiche pour la Fête de l’Huma, là une illustration posée sur le vichy rose des sacs Tati. Et même dans la rue, Miss-Tic se renouvelle, tout en restant identique à elle-même. Le quartier de Belleville, à Paris, est ainsi devenu un musée à ciel ouvert lorsqu’elle y a peint, en 2000, son interprétation des grandes œuvres. Grâce à sa subtilité artistique, Botticelli, David, Delacroix ou encore Gauguin se sont vu insuffler une dimension quotidienne qui nous a obligés à repenser des œuvres que l’on pensait figées dans les musées nationaux.

Miss-Tic est la tête de liste du parti des œuvres urbaines qui comprend autant de talents que de faussaires, ses compagnons sont les corps blancs de Jerôme Ménager ou les têtes d’Olivier Stak. La femme-mur est devenue une femme mûre qui se permet d’écrire sur les reliefs parisiens des phrases aussi bien pensées que celles de nos maîtres : « J’ai dépensé tous mes rêves et je vis aux crochets des mots. » Caustique, créative, philosophe, Miss-Tic ne peut être confondue avec les bombeurs qui ont massivement envahi les murs. Militons pour que le travail de cette « hirondelle des faubourgs » soit reconnu patrimoine culturel de la ville de Paris !