Non, Fischli et Weiss n’est pas une marque de céréales pour petits-déjeuners énergétiques (bien qu’ils aient cette vertu), mais la signature d’un binôme d’artistes suisses qui œuvrent de conserve depuis 1979 et exportent une production multiforme, marquée par le burlesque et la loufoquerie -ce qui n’est pas pour déplaire ! Dada est né en Suisse et ces deux-là semblent s’en être souvenus…
Ensemble, ils ont commis des films, des sculptures d’argile, ils ont travaillé sur des détournements de photos et de vidéos utilitaires, sur des montages d’objets… Ils ont été remarqués pour la première fois en 1987 à la Documenta de Kassel, avec Der Laud der Dingue, La Course des objets : un long plan-séquence qui fonctionne sur le principe de la réaction en chaîne : un pneu roule sur une planche qui soulève une chaussure qui renverse de l’essence qui enflamme un tissu, etc. Un film totalement absurde et jouissif. Ici, on les (re)découvre botanistes obsessionnels et décalés, auteurs d’un incroyable jardin psychédélique, proposé en cent-vingt photos grand format, saturées de couleurs. L’ensemble, qui recouvre une pièce, du sol au plafond, fait basculer sans prévenir dans un univers féerique, étrange et kitsch. Quelque part entre Microcosmos (pour l’utilisation de la macrophotographie), Alice aux pays des merveilles et Pierre et Gilles. Toutes les images sont mixées deux par deux, jouent d’effets de superpositions ou de transparence, et de la perte totale d’échelle. On y voit des champignons de contes de fées (bien rouges, avec de jolis points blancs) émergeant d’un fatras végétal, des groseilles perlées de rosée, des coquelicots rouge sang, superposés à un coucher de soleil orangé, des escargots fatalement visqueux, une éclosion de narcisses jaunes… Tout un monde végétal et animal, lancé dans un mouvement « en accéléré » (éclosion/naissance, exubérance et profusion, décomposition/mort), grotesque et féerique.
On ne serait pas étonné d’y voir émerger le lapin blanc d’Alice…