Comment organiser une exposition sur un peintre ayant pratiqué la photographie pendant seulement deux ans et dont le travail se trouve en majorité éparpillé et perdu ? Sylvie Aubenas, commissaire de l’exposition, propose une réflexion passionnante sur les liens entre l’artiste, ses œuvres et la photographie. On constate dans un premier temps que Degas, avant de réaliser lui-même des prises de vue, pose volontiers pour son amie Hortense Howland, compose des mises en scène devant l’objectif et se sert même de la photographie pour son travail de peintre (les chronophotographies de Muybridge jouent notamment un rôle très important dans ses représentations du cheval au galop). Cependant, quelle surprise lorsque l’on voit les clichés pris par Degas ! Celui dont on compare les compositions peintes à des instantanés photographiques (décadrage, mouvement) affectionne les portraits au long temps de pose, alors que cela fait vingt ans qu’il n’en peint plus.

Certains clichés sont mis en comparaison avec des monotypes, des huiles ou des dessins de l’artiste. Lorsque la photographie est antérieure à l’œuvre graphique, on l’admet comme un outil de travail, mais lorsqu’elle vient postérieurement, les similitudes avec un tableau ou un pastel amènent à réfléchir sur le regard du peintre : cherche-t-il à retrouver en photographie ce qu’il a déjà créé avec son pinceau ou bien, son œil est-il inconsciemment attiré par des compositions qui se révèlent, a posteriori, fort semblables à celles de ses tableaux ? Quoiqu’il en soit, ces confrontations mettent en évidence le sens aigu, chez Degas, du cadrage et du point de vue, quel que soit le médium employé.

Enfin, l’exposition fait une place à la photographie amateur, contemporaine de la pratique de Degas. Si la technique semble mieux maîtrisée, les résultats apparaissent bien moins intéressants, le talent de l’artiste n’y est pas. Quant à Brassaï, photographe confirmé, certaines de ses épreuves réalisées à l’Opéra de Paris reprennent de manière troublante les petits rats, peints par Degas.
Cette exposition intelligente montre ainsi que l’on peut attendre autre chose qu’une simple succession d’œuvres lorsque l’on veut découvrir un artiste ou une partie de son travail.