Le peintre Balthus a travaillé à Chassy, dans le Morvan, pendant environ huit années. Le musée des Beaux-Arts de Dijon se devait de proposer une exposition sur cette période de création que le catalogue présente comme très féconde ; précisant que : « près du tiers de l’ensemble des tableaux recensés de l’artiste fut exécuté à Chassy ». On peut cependant regretter le trop peu d’œuvres exposées : une cinquantaine, dont plus de la moitié est constituée de dessins. Ce regret se justifie d’autant plus face au plaisir qu’apportent les paysages, dès la deuxième salle. Une lumière incroyable les inonde, s’échappe de la toile, nous saisit par sa vérité maîtrisée par le peintre. Cette lumière existe, elle n’est pas feinte par une judicieuse harmonisation des pigments ; grâce à elle, on ressent un climat : une fin d’après-midi humide ou le discret soleil d’une matinée d’été. Ces paysages restent pourtant intemporels, car leur lumière ainsi captée, capturée, se retrouve immortalisée à jamais.

Les portraits subissent le même sort. Un calme étrange les fige dans le temps. Petite fille trop sage, Colette de profil se tient très droite, les mains jointes sur la table et le regard lointain. Son inactivité, l’absence totale d’accessoire anecdotique, ne permettent pas de saisir la personne qui se trouve derrière le portrait. Le corps lui-même manque de volume, d’ampleur. Cette fillette existe-t-elle ? Les représentations que Balthus en fait sont à l’image de ce qu’on sait d’elle : le texte explicatif, sur le mur du musée, indique que c’est la fille du voisin. Autrement dit on ne connaît rien d’elle et le peintre ne nous éclaire pas. Tous ses personnages, inscrits dans la pâte brillante et grenue de ses huiles, restent impénétrables bien que l’on ressente en eux un malaise, un trouble. On aimerait se plonger indéfiniment dans ces tableaux mais l’exposition prend trop vite fin, nous laissant sur la nôtre, de faim.