Les admirateurs de Tomasz Stanko ont déjà pu entendre ces trois jeunes musiciens polonais sur Soul of things (2001) et Suspended night (2003) ; « Jamais un groupe d’une telle qualité n’avait vu le jour dans toute l’histoire du jazz polonais, affirme le trompettiste à leur propos. Ces musiciens ne cessent de me surprendre. Ils s’améliorent de jour en jour, tout simplement ». L’éloge est sans doute convenu, mais certainement pas immérité. Dès le début des années 1990, le pianiste Marcin Wasilewski et le bassiste Slawomir Kurkiewicz (sauf familiarité particulière avec le polonais, perdez tout espoir de retenir correctement leur nom), alors âgés d’une quinzaine d’années, commencent à jouer en duo dans les murs de la High School of Music de Kozlalin ; le batteur Michal Miskiewicz les rejoint en 1993, Stanko les invite à travailler avec lui en tournée puis sur disque l’année suivante. Depuis, ils mènent de front un travail d’accompagnement avec leur maître et (séparément) d’autres pointures du jazz contemporain (Surman, Lovano, Blythe, Saluzzi, Sclavis, notamment) et un travail de fond sur leur propre trio, sous le nom de « Simple Acoustic Trio ». Désormais pris en charge par Manfred Eicher chez ECM, ils ont abrégé leur nom en « Trio » tout court et réorienté leur musique vers un minimalisme d’une grande clarté, plus proche du Jarrett des méditations solitaires que du Hancock groovant des sixties. Sur un répertoire majoritairement composé de compositions originales, le groupe donne à entendre une musique lente et délicate, presque précieuse par moments, qui fait irrésistiblement songer aux ballades majestueuses du trio de Tord Gustavsen, leur confrère norvégien, la rondeur du son en moins. Leurs douze années de collaboration donnent à l’évidence aux trois musiciens une complicité parfaite, tout à fait sensible dans les parties non écrites (Free combinations) ; Marcin Wasilewski semble néanmoins occuper le plus souvent le premier plan d’une musique que Kurkiewicz et Miskiewicz mettent un point d’honneur à jouer avec l’élégance discrète de ceux qui n’ont pas besoin d’en faire trop. C’est lorsqu’ils repassent à l’avant-scène que leur jazz se fait le plus convaincant, même si la splendeur froide et lisse du jeu du pianiste peut séduire à elle seule les amateurs du genre sobre. Quelques reprises bien vues pimentent l’album, notamment le Plaza real de Wayne Shorter, le Roxane’s song du compositeur classique Karol Szymanowski et, surtout, Hyperballad de Björk, (quasi) introduction idéale à leur univers musical. Manque peut-être à cette galette par ailleurs remarquable l’étincelle qui l’aurait fait glisser de l’excellent vers le magique, mais les promesses qu’elle recèle à chaque plage valent franchement qu’on s’y arrête.