Quand le label nancéien des Disques du Soleil et de l’Acier distille parcimonieusement ses nouveautés, on est en droit de s’attendre au meilleur. En marge de la série à succès de Pascal Comelade et de ses nombreux dérivés -stratégie « Oblique session » oblige -, on a pu découvrir via l’entremise du travail de dénicheur de talent Gérard N’Guyen (fondateur d’Atem en 1976 -premier magazine musical indépendant français) des groupes comme God Is My Co-pilot, Ulan Bator et d’autres étrangetés venues cette fois-ci du Japon, Haino Keiji, Phew et Ground Zero en tête.

Mais si l’esthétique du label est précieusement conservée, on n’échappe pas parfois à quelques demi-succès. Preuve en est cet album du duo parisien Vortex, album dense et noir aux inflexions quasi no-wave. Si l’accent est mis dès les premières notes sur le côté touffu de la musique électronique, on finit vite submergé par la densité du contenu. Les longues suites s’étirent et défilent dans un scrolling infini de quelques références éparses : Haino Keiji pour la tension des cordes, Kasper K. Toeplitz et sa basse à l’envers, les expériences d’Akifumi Nakajima pour le côté noise. Et pourtant, si la musique de Vortex se veut aux limites de la saturation, elle n’en dépasse jamais les limites, restant cantonnée dans des territoires déjà bien usités.

L’album se déroule sans réelle surprise ; au plus les quelques plages ménagées pour des respirations mélodiques apportent une ouverture vers des univers plus surprenants, mais l’essentiel des variations est apporté par une présence vocale pas toujours bien maîtrisée, et qui sombre dans un chant yaourt peu inventif. Pourtant, malgré une esthétique somme toute assez prévisible donnant dans le sombre et le tourmenté, les drones musicaux de Vortex s’inscrivent dans une volonté délibérée de nouer avec l’expérimental, au risque de se fourvoyer dans quelques longueurs. Ni post-rock grand public ni new-electronica arty, Vortex a au moins le mérite d’affirmer des choix artistiques forts, revisitant une culture musicale no-wave un peu oubliée. Le duo délivre sa version sonique de la désolation urbaine dans une furia finalement plutôt intimiste qui renoue avec les concept-albums anonymes d’une blank-generation un peu oubliée.