Julia Varady (soprano), Felicity Palmer (mezzo-soprano), Keith Olsen (ténor), Roberto Scandiuzzi (basse). Orféon Donostiarra. Orchestre du Capitole de Toulouse, Michel Plasson.

Puisque Paris vaut bien une messe, on y entendra plutôt deux fois qu’une, et à quatre mois d’intervalle, celle de Giuseppe l’agnostique : la capitale française lui a toujours réservé le meilleur accueil, depuis les sessions de l’Opéra-comique immédiatement consécutives à la création milanaise (1874) jusqu’à, un siècle plus tard, Carlo Maria Giulini dirigeant l’Orchestre de Paris et des solistes du nom de Scotto, Gedda, Bergonzi ou Ludwig…Giulini, justement, en janvier prochain, reviendra à Pleyel, faire entendre ce Requiem dont la version qu’il grava pour EMI il y a plus de trente ans continue de régner sur une discographie pourtant bien fournie. Avant lui, les 20 et 23 octobre prochains, et toujours à Pleyel, nul doute que l’exécution donnée par Abbado et ses Berliner sera forte, quoique fort différente, tout aussi captivante… avec eux deux, donc, de quoi se consoler de cet enregistrement que le pourtant excellent Plasson nous propose aujourd’hui, soutenu par sa fidèle et non moins excellente phalange toulousaine et des chœurs, il faut le dire, somptueux.

Ce n’est pas que notre chef national démérite, bien au contraire : son geste est violent ou serein quand il le faut, l’interprétation souvent intimiste, et traversée parfois par de superbes fulgurances (un Dies irae chauffé à blanc) -bref, les contrastes de la partition sont formellement présents, mais sans plus. Manquent une vision, une âme, sans lesquelles un Requiem, forcément plus que toute autre œuvre, n’existe pas tout à fait. La faute aux solistes ? Si Plasson a délibérément opté pour un quatuor non-italianisant (hormis Scandiuzzi, d’ailleurs assez banal), on ne peut pas dire que ces voix-là s’entendent et se répondent à merveille. Varady est égale à elle-même, loin devant les trois autres, c’est sûr, et ceux qui aiment ce timbre-là seront comblés… Celui de Palmer est son exact opposé, on n’aime pas du tout ; Olsen s’en tire avec les honneurs, mais de là à faire ombrage à Björling ou Gedda…On l’a dit, la discographie est riche de versions passionnantes d’une œuvre où le théâtre, la vie -eh oui !- le disputent sans cesse à la dimension sacrée et spirituelle. Toscanini, De Sabata, Serafin, Giulini… les Italiens ont toujours saisi mieux que personne l’esprit de cette messe écrite par l’un de leurs héros nationaux en hommage à un autre de leurs héros -Manzoni, l’auteur des Fiancés. Seuls Reiner (Decca) et Fricsay (DG), dans des versions aussi originales que discutées, auront réussi à faire quelque peu trembler l’autel latin. Plasson ne fait rien trembler ni personne : une fois encore, les Français s’en remettront à leurs maîtres italiens pour communier, d’un même élan, avec les héros transalpins…