Décidément, le label Musiques Hybrides est hyperactif. En même temps que l’album d’Olaf Hund, Kitch kitch, voici sur le label du jeune électronicien la première compilation CD de french 60’s digne de ce nom. Wizzz liste les meilleurs moments du garage et du psychédélisme de l’époque, de l’amour libre et du LSD, faisant à l’usage des masses un travail de défrichage et d’anthropologie qui réveillera peut-être des vocations et un esprit aventurier qui fait sensiblement défaut à la chanson française d’aujourd’hui.

Reprenant l’énergie et la spontanéité des garage-bands anglo-saxons, Charlotte Leslie, Les Fleurs De Pavot ou Les Papyvores ne savent pas ce que « premier degré » veut dire (à la différence des chanteurs nombrilistes et torturés qui polluent la chanson française). Leurs chansons sont délibérément drôles et libérées, dansantes et enlevées, parfois débiles, parfois extrêmement bien foutues, n’ayant pas grand-chose à envier aux Américains de la même époque. Adolescentes, ces chansons se moquent de la société bourgeoise. Les Fleurs De Pavot chantent : « Un jour j’en aurais plein le dos / des petits costards, des petites autos / de prendre des pots aux Deux Magots. » Pour remédier à la passivité de la société gaullienne, ils mettent du LSD dans le café du percepteur (qui, du coup, se met à lire L’Humanité), dans le pot au lait de la concierge (qui se met à payer elle-même le loyer et les invite à déjeuner), ponctuant chaque retournement et chaque victime par un « A dégager ! » révolutionnaire et du plus bel effet. Les Papyvores égrènent eux aussi les trips buvards, à coups d’orgues et d’échos monumentaux, sur des textes en « -iques » magnifiques : « Je suis LSDique et paranoïque / C’est psychédélique / Ce n’est pas chic / De ne pas me laisser / Dire n’importe qu-ique / Qu-ique…. » Le verso de la pochette de leur single nous apprend que Les Papyvores s’habillent en papier de soie, se goinfrent de papier gaufré, vivent dans le papier peint et affectionnent tout particulièrement le papier buvard…

L’autre aspect de cette douce révolution musicale est le sexe dans tous ses états, récurrent et free, surtout quand il est marié à l’acide lysergique, comme à la fin du Papyvore : « Je l’ai décadrillé / Je l’ai vlopiné / Je l’ai roblinée / Je l’ai cartonnée / Je l’ai frisouillée / Paco-rabannée (…) claboutée / loupisée / beatlesée », etc. Sinon, les filles chantent leur révolution sexuelle et musicale avec enthousiasme, parfois potiche, comme Monique Thubert dans Avec les oreilles (« Oh dis donc, tu balances drôlement pour ton âge / Et puis t’as un gimmick fôrmidaaable / T’es comme moi, tu joues avec ton corps, tes hanches, ta bouche, oh, du tonnerre « ) ou plus philosophique, comme Charlotte Leslie (« Tu avais raison / Les filles, c’est fait pour faire l’amour »).

Tout ce petit monde jeune et insouciant se retrouve donc sur cette compilation libérée et anachronique, pour des jerks psyché et entraînants, fleurant bon la nostalgie en ces temps de bridages moraux incessants. Recommandé (comme l’écrit Nick Kent tous les samedis dans Libé).