Aventurier de la musique noire depuis le début des années 50, où il débuta dans le métier comme songwriter pour la jeune compagnie Atlantic de Ahmet Ertegun, Paul Winley est de ces héros anonymes et pittoresques qui forment la légende de la musique populaire. Il est de la race de ces hommes tout à la fois artisans, artistes, businessmen et voleurs, qui par leurs investissements intéressés ont donné au monde la soul, le rock’n’roll, le rap ou la house, avant que l’industrie ne fonde sur ces musiques nouvelles pour les adapter aux contraintes du marché mondial.

Paul Winley a réellement commencé la production musicale en faisant chanter ses deux filles : sur Vicious rap (Tanya ‘Sweet Tee’ toute seule) et Rhymin’ & rappin’ (les deux soeurettes), classiques naïfs repris sur ce Best of. C’est lui qui accueillit a star des Djs hip-hop, Akrika Bambaataa, que Sugarhill venait tout juste d’éconduire. Pas gêné, alors que Bambaataa avait trouvé un an plus tard en Tommy Boy la maison de disques qui lui permettrait d’exploser mondialement, Paul Winley sortit dans la foulée de Planet rock l’enregistrement particulièrement lo-fi d’un set du Roi Zulu à la James Monroe High School dans le Bronx, sous le titre Death mix. Winley eut même le culot, dans les notes de pochette du maxi, de s’excuser des mauvaises conditions dans lesquelles il avait sorti les Zulu Nation throwdown, tout en prétendant ne chercher qu’à rendre hommage au talent de son « ami » en sortant ce nouveau disque, encore plus mal enregistré.

Et pourtant, malgré les sulfureuses conditions dans lesquelles ils ont été réalisés (ou à cause d’elles), ces maxis restent des témoignages exceptionnels des débuts du hip-hop. Zulu Nation throwdown part.1 voit Bambaataa entouré de l’un de ses premiers crews de Mcs, la Cosmic Force, sur des breaks du Harlem Underground Band, le groupe maison ; la Part. 2 introduit la SoulSonic Force. Toutes deux offrent un son évoquant celui des Furious Five du début ou du Sugarhill Gang, c’est-à-dire lorsque le rap n’était encore qu’un enfant bâtard du disco finissant, pas encore pénétré des sonorités electro qu’Arthur Baker et Shep Pettibone inventeront pour Planet rock.

Quant au Death mix EP, de bootleg honteux il est devenu, avec les Adventures of Grandmaster Flash at the Wheels of Steel, l’un des seuls témoignages d’époque illustrant le set de ces jeunes Noirs qui, avec leurs doigts agiles et leur discothèque éclectique, ont purement et simplement invité le hip-hop dans sa version instrumentale. Bambaataa jongle ici avec quelques morceaux obscurs de Samantha King ou du Rock City Band, pour livrer une démonstration séminale qui en inspirera plus d’un, des Deee-Lite pour le break de Groove is in the heart à James Lavelle qui reprit la pochette du maxi pour le mix de Dj Shadow que Q-Bert fit en 1996.

Mais ce sont surtout les titres du Harlem Underground Band qu’on retiendra, merveilles de funk régressif rappelant la disco tongue in cheek d’El Coco (ce groupe auteur du délirant Count of Monte Disco à la même époque). Sur une partition au canon 4/4 strictement respecté, le groupe offre à son chanteur à la voix délicieusement mâle l’occasion de jouer un rôle de crooner blaxploitation particulièrement réjouissant, notamment sur Smoking cheebah cheebah, de quoi ravir tous les amateurs de susurrements salaces et de slang afro (les ‘bro et les ‘sis y abondent).