Les jours off d’un musicien en tournée ne sont pas si rock’n’roll qu’on voudrait nous le faire croire. Et quand le boss du label Sabotage se retrouve esseulé après un set DJ dans un Moscou dépareillé, il n’a rien d’autre à faire que de rencontrer les artistes locaux. Exit le plan varices avec des putes bon marché et les saignements de nez éthérés, place à une visite du terroir musical. Bien lui en a pris : avec PutINOut, le label autrichien d’electro débridée frappe fort dans la hype et sort la première compilation hip-hop russe.

Le titre-jeu de mots de l’album reflète assez bien la distorsion qui habite ces musiciens de Saint-Pétersbourg qui n’ont qu’une idée en tête, sortir du marasme rock-the-kasbah de la production du terroir pour s’affirmer en petits blancs non identitaires au devant des scènes hip-hop. Ici, le hip-hop a perdu tout de sa révolte sociale un peu simpliste qui fait les choux gras des canards cultureux en mal de misérabilisme. Les titres, presque entièrement instrumentaux, naviguent entre une electronica chiadée mais minimaliste, proche de l’école Warp ou Mille Plateaux, et des rythmiques hip-hop plus carrées. Bref, un mariage pas si antinomique entre une culture plus up-street (pulsations lourdes, tempos soutenus) et une volonté d’aristocratiser le propos (drones minimal-techno, funk lent et sans paroles).

On n’a bien sûr jamais croisé les noms de ces musiciens-là : PCP, Udjin, The Lunatiks, Igor Vdovin, Ten Zor enchaînent les titres de façon anonyme sans vouloir détonner dans le paysage global de la compilation. Les clichés attendus (vodka-party et du « russkov russkov » à chaque fin de couplet) sont savamment détournés pour éviter le dépliant publicitaire branchouille. L’ensemble est sombre, mystérieux, et ne tire que rarement vers de la musique « dansable ». Quelques plans à la Craig David (la révélation Fun Radio de la semaine), un ou deux scratches à la Beastie Boys (white shit for black guys -ou le contraire) et quelques vocodages discrets viennent étayer le papier peint musical déposé par les maîtres de cérémonie. Essentiellement effectué à base de bandes vierges et de samples entropiques, le morceau Kley clôt l’album dans une ouateur touchante. Put it out.