Autant le dire tout de suite : on n’est pas très convaincu par le concept derrière ce disque. Dernier volume en date de la série Pulp fusion, qui en compte déjà deux, Pulp fusion evolution est un objet marketing assez étrange : à la fois très simple (c’est une compile de funk, millésimé early 70’s, un produit très en cours de nos jours) et un peu bancal, avec cette pauvre référence pseudo-tarantinesque en guise d’accroche, que le livret tente malaisément de justifier en reprenant deux-trois clichés blaxploités jusqu’à la corde pour lier les 12 titres ici compilés.

Abandonnons donc les concepteurs « géniaux » qui ont subtilement habillé ce disque, et concentrons-nous sur son contenu, qui illustre une nouvelle fois les extraordinaires qualité et variété de la musique noire américaine produite entre 1968 et 1975. Constat sans grande surprise. Mais on en redemande encore, et toujours : pourquoi échanger ses deux barils de soul trempée de sueur contre un triste baril de Billy Ocean au bord de sa piscine ?

Les amateurs de space-jazz, de ghetto funk ou de proto-disco seront donc comblés : ils retrouveront ici Charles Wright (l’auteur du classique Express yourself, par ailleurs parent de feu Eric « Eazy E » Wright) et son Watts 103rd Street Band, les Blackbyrds du trompettiste Blue Note Donald Byrd, Getting uptown (to get down) des anonymes United 8, qui vaut surtout par le retraitement que lui fait subir Tom Moulton (héros oublié de la club culture, qui est aux remixeurs d’aujourd’hui ce que Kool DJ Herc est aux DJ hip-hop), un titre précoce de Candido, futur demi-star du label Salsoul, et, surtout, l’un des petits monuments de la musique de danse des années 1970, Cosmic funk, de Lonnie Liston Smith & The Cosmic Echoes, extraordinaire dérive spatio-funk (comme son nom l’indique) du pianiste de Pharoah Sanders et Gato Barbieri.

En fait, la richesse du matériau disponible est telle qu’il semble difficile de louper une compilation sur cette période, même en piochant totalement au hasard dans le Hot 100 « soul-rythm’n’blues » du Billboard. A l’écoute de ces titres, on mesure cependant tout le biais qu’induit encore aujourd’hui l’hégémonisme rock à l’égard de la communauté noire et de sa musique : à la même époque les hideux Yes et ELP se vautraient dans des albums grandiloquents et vides, dont l’héritage est bien moins vital ; et pourtant, qui aurez-vous le plus de chance de trouver de nos jours dans les rayons des rééditions CD : Close to the edge de Yes, ou le LP Cosmic funk de Lonnie Liston Smith ? Ce disque est une consolation, faute de mieux.