Playhouse est décidément le label house le plus excitant du moment. Après une série de maxis et les excellents albums de Isolée et Losoul, la 50e référence du label allemand récapitule en 12 titres étonnants et dansables les meilleurs moments de sa production dance-floor décalée, une house suave, mélodieuse, grisante, aux flux empathiques, aux forces positives, aux pulsations optimistes. Une machine désirante et dansante. Compilation.

Lies (watch your lift) de Losoul est construit autour d’un beat house évolutif, un chœur métronomique, une bass-line electro linéaire et une voix parlée-chantée princière. On aurait peut-être préféré un remix de Overland et son sample millimétré de Billy Jean, mais Lies est parfait en ouverture electro-disco de ce florilège groove. Lost at c-minor, de Light Fantastic, est donc un hommage à Cerrone, avec des nappes de synthés 70’s, évoquant un peu le Vangelis de Blade runner et recouvrant onctueusement des beats disco-tek moroderiens en diable. Un break de claps delayés plus tard, l’extension du domaine de la dance relève du plaisir, de la volupté et de l’assoupissement contemplatif. Blaze et son Paradise distille sa house garage, ses chœurs hauts, ses halètements rythmiques et ses flûtes baléariques sur un refrain black et cool « My heart keeps dancing / On paradise ». Le remix de Surprised (Holy garage) par Isolée, est plus electro, aux textures suaves (blips, clicks, tocs) entre deux breaks de batterie travaillés, riche en contrastes et ruptures, quoique house de bout en bout, rythmé par une voix synthétique énonçant « I’m surprised », comme pour signaler le caractère imprévisible des interventions et digressions de l’allemand.

Rework de Rework a un petit côté Chain Reaction (la basse presque dub et le charley en avant, tout en contraste), évolutif comme du Steve Reich et ponctués de vocaux féminins impersonnels et répétitifs, utilisés ici comme matière sonore in-signifiante, entre Chicks on Speed neurasthéniques et Playgroup non-disco. Conceptuel. Beau mot plage d’Isolée est un tube imparable, dont on a déjà fait la louange : choeurs baléariques, chaleur synthétique, saturations délicates, mélodie en delay entêtante et pulsation plutôt que beat. Respect et douceur pour le danseur semblent organiser cette musique de danse presque pop, lancinante et changeante. Playa bianca. Discount baby de Bobo Elsel, avec son beat martial et sa basse ESG, joue sur le pitch de la voix, robotique (c’est le h.a.l. 9000 remix) et froid. Low part 1 de Soylen Green ressemble aussi un peu à du Maurizio, tous les sons sont étouffés et sombres, comme pour mieux laisser apparaître de minimalistes incursions aiguës, avant l’arrivée improbable d’une mélodie de flûte à serpents. Progressive-dub.

Broken mirror de Random Factor est carrément electro, entre Dopplereffekt et nouveau romantisme, avec un chant-litanie bien désincarné. Un peu angoissant dans ses montées de TR909, un peu lassant au final. Lui succède Turning orange de Freaks, aux beats débreakés, aux vocaux presque rap. Detroit est convoqué, le mélange de froideur synthétique européenne et de chaleur afro-américaine, presque funk (« Say it again! »), se termine sur une montée acid du plus bel effet. Comatose Captain de Captain Comatose a un côté Inner City soft, rétro mais pas trop, avec des vocaux en boucle, un couplet et un refrain, en boucle également. On termine avec Villalobos und dandy jack et leur morceau Pecuyo : des nappes et des beats. Clap de fin.

Famous when dead recense donc idéalement l’esprit d’un label attaché à faire danser sans violence, distillant avec tendresse ses beats savamment dosés, faisant le grand écart intelligent entre house et electro, Amérique et Europe, mâtinés de pop, faisant le chaud et le froid, et la pluie et le beau temps sur la piste de danse.