On ne dira jamais assez tout le bien qu’on pense du label Soul Jazz Records. Entre ses compiles reggae (la série des 100% dynamite, les rééditions du label Studio One) post-punk (In the beginning ther was rythm ou New York noise) et ses hommages à d’obscurs mais géniaux vétérans de la scène funk-rock new-yorkaise (ESG, Arthur Russell, A Certain Ratio), le label s’est aussi fait connaître pour son exploration musicale des grandes villes de la musique afro-américaine, non seulement New York City, mais aussi la Nouvelle Orléans (New Orleans funk, l’irremplaçable compile Saturday night fish fry), avec son funk nourri de bayou et de vaudou (Dr John, Allen Toussaint, Lee Dorsey), en passant par la trop méconnue Miami. Ce voyage à travers les grands espaces américains et le tempo accéléré de la musique funk se poursuit ces jours-ci à Philadelphie, pour un Philadelphia roots 2, qui rend compte de l’évolution de la soul des sixties à la disco des seventies, un son que les artistes et producteurs de Philadelphie ont inventé.

Car les fondateurs du label Soul Jazz Records sont aussi disquaires et organisateurs de soirées londoniennes, et opportunistes, ils savent mieux que personne quelle est la tendance du jour (du soir), répercutant les derniers goûts et envies du public dansant dans leur catalogue. Après le disco-funk séminal d’Arthur Russell, la réintroduction de l’esprit des 80’s dans nos années 2000 devait nécessairement en (re)passer par la disco. C’est donc chose faite avec cette compile « de transition », des premiers MFSB / Salsoul Orchestra (sous les pseudos de Promised Land et de The Family), aux productions rares de Gamble et Huff et des singles de Vince Montana, Ronnie Baker, Norman Harris. On retrouve ici les prémisses du « phillies sound » si particulier qui a influencé toute la génération disco qui l’a suivi. Parmi les perles, retenons l’instru quasi boogaloo des Panic Buttons, Come out smoking, échevelée, saturées de cuivres et de lignes de basses sautillantes, le romantisme des cordes des Delfonics (sur Ready or not, here I come), la rythmique annonciatrice (le poum-tchack disco) de I wanted my baby back de Ethics. Le tout, qui comprend des interviews et photos des principaux acteurs de la scène de Philadelphie, n’échappe pas à certains travers kitsch, qui plairont aux amateurs, mais pourront rebuter les puristes de funk ou de soul.

Soul Jazz enfonce le clou, en proposant une énième compilation de raretés du studio-label jamaïcain Studio One, fondé au début des années 60 par Clément « Coxsone » Dodd, compilation centrée cette fois-ci sur le « disco-mix », un style qui rassemble différentes sortes de reggae : le roots, le lovers, le disco et le dub. Cette fusion des styles over-dub, en format long, qui expérimente aussi la technologie de nouveaux studios, a produit ce que les fans décrivent eux-mêmes comme une des périodes les plus innovatrice et créative de l’histoire de Studio One Records. Cette compilation regroupe des classiques sortis en 12’’ et en édition limitée (sur le tout premier label de Studio One, « Music Lab »). Ces morceaux ont donc été quasi introuvables depuis leur sortie. On y retrouve Alton Ellis, Sugar Minott, Jackie Mittoo et Willie Williams (avec Armigideon time) mais aussi Doreen Schaeffer, Judah Eskender Tafari et George Dudley, etc. Pour fans only.