Une anthologie du raï. Khaled tel qu’il était avant que le succès ne l’emporte, Cheb Hasni bravant l’autorité et chantant l’adultère bien avant les trois cinglantes balles qui l’ont fait disparaître à l’automne 94, les chebbates (Cheba Zohra, Cheba Warda, Cheba Mouna… des jeunes femmes) en duo avec leurs cheb à l’heure où l’on osait camper cru le plaisir par des textes d’une légèreté provocatrice inattendue… Tout un pan de l’histoire de cette musique, issue du traditionnel groove des bédouins de l’Ouest algérien (avec la ville d’Oran en pôle position), se trouve retranscrit ici. Transformé au bon milieu des années quatre vingt-dix en une sorte de condensé de succès planétaires éventuels depuis que certains de ses principaux fleurons vont enregistrer dans les grandes capitales occidentales, le raï a connu quatre ou cinq grandes périodes. Les années trente et quarante avec les cheiks et les chikhates qui le rendent populaires et l’extirpent de son quotidien rural, parfois un peu folko. Les années cinquante et soixante avec l’influence urbaine grandissante et ses nouveaux plaisirs. Suivra ensuite la période difficile où il lui fallut supporter le joug puritain des pouvoirs en place. C’est l’époque de son retour en force dans les bordels et les cabarets douteux, avec ambiance maquereaux et voyous d’honneur. C’est aussi l’époque où il va le plus affûter sa lame: les textes deviennent de plus en plus sulfureux. L’alcool et le sexe étaient déjà de la fête à la fin de la période précédente (années 60 finissant) mais là on en rajoute et on enfonce le clou pour mieux lancer la période suivante. Celle des années 80 avec les cheb et les chebbates consacrés, notamment grâce à un nouveau son (guitare électrique et synthé) et à un nouveau public (les jeunes algériens érigent le raï en une poésie du mal de vivre, où s’inscrit le conflit intergénérationel, avec leurs vieux surtout), juste avant le grand meeting raï de Bobigny (de l’autre côté de la Méditerranée), un festival organisé en 86, entre autres par l’un des ardents défenseurs de la sono mondiale, Martin Meissonnier, et qui marquera le début d’une grande ambition planétaire.