Sortie sur le marché au début des années 90, la Groovebox synthétise les possibilités de plusieurs machines de légende non rééditées : boîtes à rythmes, générateurs de basses fréquences, filtres analogiques… Cet engin fut créé par les industries Roland, afin de répondre à l’intérêt porté par de nombreux artistes electro pour divers instruments analogiques des années 70 et 80. D’une techno répétitive des plus conventionnelles, aux expérimentations gérées par des structures extrêmement complexes, la Groovebox offre à son utilisateur de grandes libertés techniques… At home with the Groovebox, compilation de chez Grand Royal, est un projet centré autour de cet appareil. Des personnalités aussi différentes que Money Mark, Air ou encore Cibo Matto se sont ici adonnés aux joies de la programmation, en produisant des morceaux qui explorent de manière fort différente les capacités de la petite boîte de chez Roland…

At home with the Groovebox commence par un titre des plus significatifs et des plus intéressants : The Groovy Leprechauns, signé Jean-Jacques Perrey. Derrière ses allures de techno groove ringarde, ce morceau donne en à peine cinq minutes un aperçu des majeures possibilités de la machine. En faisant passer les « ambitions esthétiques » au second rang, Jean-Jacques Perrey nous introduit ici à la Groovebox avec une sorte de bande démo révélatrice -où les diverses applications se suivent les unes après les autres… Ici, le compositeur va même jusqu’à faire se succéder des passages ouvertement laids (par une utilisation des samples naïve à la portée de n’importe quel débutant attardé) et de magnifiques mouvements mélodiques, constituant à eux seuls peut-être les meilleurs passages du disque… Une démonstration plus qu’efficace qui, par ses qualités musicales volontairement instables, annonce fatalement l’inégalité de tout ce qui suit. Effectivement, puisque les morceaux suivants vont de la pâle musique binaire, aux expériences les plus radicales (où l’on se demande comment les artistes ont réussi à tirer un tel résultat à partir du matériel imposé). Avec Buffalo Daughter -qui nous pond ici une acid house dépassée et sans intérêt- ou un Sean Lennon se prélassant dans une electro progressive laborieuse, on ressent bien que la Groovebox a été utilisée de la manière la plus conventionnelle qui soit. A l’inverse, un titre comme le magistral Robyn turns 26 de Pavement mérite une attention toute particulière. Malgré leur récente séparation, le groupe se renouvelle complètement avec cette sorte d’alchimie musicale mellow-goldienne totalement inattendue. Parmi les grandes réussites de cette compilation, on peu aussi compter Campfire de Sonic Youth : une exploration des basses fréquences et des dysfonctionnements sonores à la fois simple et perturbante. Boyz de Beck est un brillant hommage à l’electrofunk des années 80 ; un bricolage sonore déjanté, où rythmiques frénétiques et voix sensuelles entrent en collision… Dick Hyman conclut le disque par une pièce pour violons électroniques assez recherchée, où les nappes mélodieuses sont fréquemment ponctuées d’infra-basses percutantes…

En définitive, les plus grandes réussites de At home with the Groovebox se retrouvent toutes dans l’utilisation de la machine détournée par les musiciens. Mais cette simple démarche ne se suffit pas à elle seule. C’est ce que l’on constate en écoutant Planet Vega, le morceau de Air ; où les arrangements complexes et recherchés surprennent, innovent, mais ne vont guère jusqu’à relever le niveau d’une musique ambiant soporifique (une musique intelligente, qui reste très chiante). En voulant inventer à tout prix, certains ont apparemment oublié que le but initial d’un tel projet consistait ici à faire de la musique…