A priori rien de bon à l’horizon, à mater le sordide et énième artwork simili Designers Republic, le nom de label à coucher dehors, le titre de compile à massacrer un nerd berlinois à lunettes à grands coups de pochette de vinyle monochrome, le tracklisting ronronnant composé d’un all-stars mille fois rebattu, entre wonder kids omniscients, vieux routiers de l’or plein la bouche et écurie locale à la traîne. Et puis c’est basé à Berlin, et puis c’est dirigé par une petite japonaise, ça a tout pour agacer. Et puis, malgré tout, en quête d’une pépite des stars sus-évoquées, un soir de glande, on glisse le moche CD dans la machine, et puis, bêtement, un bon paquet de morceaux remarquables retournent les a priori : dès l’ouverture, Erast, auteur d’un également très laid premier album, bombarde une pluie de breakbeats et de voix millimètrement décharnées, et nous fait croire à l’éclosion d’une sorte de nouvelle école polyrythmique presque franchement excitante. Suivi de très près par les surdoués de Sensorama (sous pseudo Eight Miles High), un Sutekh en très grand forme proptronique et idiotech, et les toujours supérieurs (et Coil-esques) Phoenicia, il nous rappelle que, pendant qu’on se fatigue à réécouter du rock ou à détester les arnaqueurs mous de l’électronique ankylosée par ses démons consanguins et ses copies conformes, ça cherche toujours et, surtout, ça s’amuse toujours autant au front, dans le peloton de tête. En fait (en fête), il suffisait de faire confiance aux stars, donc, augmentées de quelques superstars (Atom Heart, déguisé en faiseur de Rock it, Luke Vibert, qui signe le meilleur morceau pas extrait de son récent Yoseph, LA tuerie de la compile, et même un Thomas Fehlmann conquérant), pour enchaîner les perles et faire un super disque compilatoire, plein de rythmes waouh et d’accolades de sons super yeah, d’où s’échappe une étrange sensation de bien-être et de fun. Ben ouais, cette compile d’IDM est super bien.

Pareil pour Daedelus, un gars plutôt craignos malgré ses bonnes fréquentations hip-hop (un album sorti de nulle part avec le fantastique Busdriver et Radioinactive), puisque son dada était autrefois de mélanger mélopées jazzy cool, cordes romantiques (triple SIC) et polyrythmies acoustiques. Son premier disque puait la mort et la bonne formule bobo, ce deuxième aborde de manière plus frontale encore l’image du dandy électronicien, et pourtant : le morceau d’ouverture et ses ambiances naphtalinées passés, on comprend à quel point le sourire romantique de Daedalus est jaune et carnassier. Quand il accélère le tempo et dégraisse sa machine, l’américain tourne sa veste et montre à quel point il aime à se foutre de la gueule du monde. Sur ce Gent agent, pas de lounge, ça va vite, très vite, et si possible de la manière la plus brute possible ; sorte de carambolage maboul de samples dégueus (bossa, lounge, musiques de films, variet, ragga infâme), de rythmes mal fagotés et de bonne vieille eurodance, la musique grimaçante de Daeadelus a le collage vomitif, le postmodernisme véreux, le groove virulent. Si encore ses emboîtements de drill’n’bass, de scratches et de vieille ragga dance brillaient à la britannique, on aurait pu hurler au vieux hold-up bastard pop. Mais non, ça boite dans tous les coins, ça n’arrête pas de se vautrer dans des ambiances malsaines de cocktail parties décadentes et on réalise que Daedelus, à des milles d’un dandy lounge à exécuter hid et nunc, gigote en fait un peu comme son comparse Jason Forrest, le diabolique Donna Summer : avec toute la mauvaise conscience de l’univers. Ca met mal à l’aise, mais c’est foutrement cathartique.