Finalement, rencontrer le succès, ça n’est pas si difficile. Suffit de figurer sur la bande originale du film tendance du moment réalisé par un quelconque kubrickaillon. Bref, si Underworld n’avait pas casé son Born slippy sur Trainspotting, il serait sans doute encore englué dans cet anonymat qui seyait si bien à la médiocrité de leurs premiers albums.
Auréolés d’une gloire inattendue, Emerson, Hyde et Smith -le triumvirat d’Underworld– se doivent de transformer l’essai avec ce nouvel album, Beaucoup fish. Beaucoup fish… Avec un titre pareil, on s’attend à un concept-album, et on n’est pas loin du compte. A l’image du design du pack -une série de monochromes aux variations infra-subtiles- la techno-pop d’Underworld a de la suite dans les idées. Beaucoup fish est une succession d’electro-songs éthérées toutes bâties sur le même principe : celui d’une techno anorexique, décharnée jusqu’à l’os, sans fioritures, avec une palette de sonorités très réduite. Ajoutez à ça la voix monocorde et « so brit-pop » de Karl Hyde et vous obtiendrez un disque sec comme une anglaise, dont on ne sait pas vraiment s’il doit nous effrayer ou nous emmerder…

Bien sûr, Underworld a pris le soin d’égayer cet album d’accès plutôt difficile avec plusieurs Born slippy en puissance, des îlots de rave-dance dans un océan d’ennui : ainsi, Shudder/King of snake ou Kittens réveillent l’instinct gesticulatoire du nightclubber qui sommeille en nous à grands coups de bpm syncopés. Mais il faut patienter jusqu’à la fin de l’album pour atteindre le climax tant attendu. Grâce à Moaner, « transe » jusqu’au malaise, Beaucoup fish décolle véritablement, mais un peu tard. Ce qui laisserait à penser qu’en concert, la musique d’Underworld doit fournir quelques poussées d’adrénaline assez impressionnantes. Sur CD, on se permettra d’être nettement plus dubitatif.