Surprenant choix de sortie de Mego après le manifeste punkoïde de Russel Haswell (du noise en version document lo-fi) : comme il est précisé sur le site du label viennois, le premier disque de cette jeune Japonaise est garanti « 100 % glitch boy free », à savoir opposé à 180° aux sorties habituelles du label. C’est donc bien à un disque de pop que l’on a affaire, délicat comme du tofu et, outre l’excentricité des moyens utilisés (Shojo Toshi a bien entendu été enregistré à la maison) et du décalage forcément problématique de la Japonaise avec les autres artistes du label, accessible comme un disque de Michiko Kusaki.

Noriko (ou Tujiko, l’ordre prénom / nom étant problématique en japonais) chante, le plus souvent en japonais, sur des arrangements électroniques tiraillés entre minimalisme lo-fi (simplicité des rythmes, inserts acoustiques enregistrés sur un magnéto cassette) et esthétique Powerbook. Des nappes fracturées rencontrent un synthé pourri, une cascade de bruit blanc s’insinue dans une boucle de cordes à la To Rococo Rot ou dans un accord d’orgue désuet. Mélodiquement, Noriko doit semble-t-il beaucoup au maître Nobukazu Takemura et à son label Childisc (on songe aux miniatures instrumentales d’Aki Tsuyuko, récemment rééditées par le Moikai de Jim O’Rourke), mais le mélange des mélodie ultratonales volontairement naïves et de sa voix, qui passe sans cesse d’un ton enfantin aux majestés plus typiques de la J-Pop, un peu à la manière de l’ex After-Dinner Haco, fait réellement merveille.

Après un instrumental un peu douteux en ouverture, le magnifique White film nous emmène immédiatement vers un ailleurs lumineux où Brian Wilson rencontre à nouveau Oval (ce qui devient un peu une habitude, on en convient) et où un effet de delay démoniaque transforme les chœurs angéliques de Noriko en un merveilleux espace mélodique. Bebe, ensuite, augmente le tempo et sature un peu les choses : Noriko charcute sa voix puis recompose la mélodie via le séquenceur, qui en vient à sonner comme celle de Roisin Murphy de Moloko. Ensuite, citons en vrac le très beau cinquième morceau, titré en japonais, qui mélange une mélodie asiatique traditionnelle à un piano romantique ; Tokyo et ses voix à la limite d’un trip-hop formaté douteux ; le très beau Differencia qui commence comme une pompe d’Hoahio (Marimo, sur l’album Ohayo ! Hoahio ! sorti l’année passée sur Tzadik) avant d’évoluer en un magnifique carrousel de voix ; et enfin le dernier morceau et ses boucles de noise infernales…

Signée sur la foi d’une cassette, Tojiko Noriko débarque un peu de nulle part. Mais sa musique, explorant un territoire finalement assez peu balisé, semble, elle, suivre une direction très précise, entre sonorités abrasives et songwriting extrêmement habile, à la limite parfois de la variété. Mais c’est qu’on leur pardonnerait tout, à ces Japonais…