Depuis plus de cinq ans, Black Boul’, Drixxxé et Dabaaz naviguent habilement dans le milieu underground du hip-hop français. Cette triade s’est fait connaître en collaborant le temps d’un maxi avec les New-Yorkais de Blahzay Blahzay. Ce split USA vs France a -malheureusement pour les deux camps- tourné rapidement au vinaigre, puisque les Américains leur ont sciemment volé un instru. Depuis ce jour (fatal ou béni des dieux ?, tout dépend comment on aborde la question), les ponts se sont violemment rompus entre les deux parties. Cette mésaventure leur a peut-être valu un instru chapardé (une usurpation flatteuse pour le trio, exécutée par des Ricains sans vergogne), mais qui a engendré de bonnes retombées médiatiques dans les mags spécialisés (L’Affiche, RER, etc.). Autant dire que cette affaire s’est transformé en véritable coup de pub pour les Triptik.

Leur deuxième album sort aujourd’hui sur BMG. Les Triptik n’ont bien sûr pas attendu les Blahzay Blahzay (dont l’album Blah Blah Blah constitue une des meilleures bombes de la fin des années 90). Microphonorama pose les fondations de ce trio émérite, qui invite ici quelques grandes figures du djiing à la française, avec notamment Cut Killer (leur complice et mentor de la première heure), DJ Damage et DJ Pone (auteur de la dernière mixtape made in Rawkus). Ce qui frappe tout de suite les tympans, ce sont les instrus de très bon standing de DJ Drixxxé. Dans la même veine, les collaborations et featuring (D’Oz et Cutee B sur le mortel Le Piège, Moudjad de la Ménagerie sur Panik’), s’avèrent très jouissifs. Les Triptik réussissent à franchir certains murs qui stoppent net bon nombre de hip-hoppers français. Les deux MC’s du groupe racontent et exposent des essais urbains clairvoyants, posés et bien balancés. Pour exemple, on citera le très jazzy Panam, où Black Boul’ et Dabaaz exposent intelligemment les bienfaits et les méfaits de notre capitale (« Chacun sa vie chacun sa mort chacun son train, Panam, j’y ai jamais habité j’y suis pas né mais je connais bien j’y suis presque 300 jours dans l’année, Panam, le temps passe et Panam reste le même, dans le bon comme dans le mauvais on l’aime… »).

Pas mal de titres captivants donc, comme les réponses aux Américains sur Le Piège et America (feat. Cutee B), la ligne de basse accrocheuse de Bouge tes cheveux, ou encore les stances du titre On baigne dans le faux. On trouve une bonne brochette de morceaux brillants (l’instru de Entrack 2 feat. Oim ! est pourvu d’un petit riff de guitare wah wah bien puissant), qui sont entrecoupés d’interludes instrumentaux admirables (comme le superbe Tell me sly part 2, qui prouve que Drixxxé domine bien son sampler). Voilà de nouveaux lascars dompteurs de très bons instrus. Sans nul doute, ceux-ci trouveront leur place dans l’arène du hip-hop français.