Nous l’écrivions déjà il y a quelques semaines: « Il y a chez les White Stripes cent fois plus de glamour, de stupre et de plaisir que dans n’importe quelle discothèque du monde libre. » Comparativement, les sympathiques Strokes (pour ne pas nommer ces mignons vaguement surestimés) font immédiatement penser à une phrase d’un morceau d’Herman Düne, autre groupe sincère : « Everyday is a failure as long as fakers rules. » Car ce groupe est vrai, animé par une passion qui va probablement le brûler de l’intérieur. The White Stripes viennent de signer sur une major pour un million de dollars. Impossible de leur en vouloir !

Depuis de longs mois les disques du groupe sont l’une des raisons fantaisistes qui nous donnent envie de nous lever le matin. Dead leaves and the dirty ground, premier titre du troisième album des White Stripes, commence par un larsen stupéfiant suivi d’une guitare toute aussi sale (on n’a pas dit crasseuse), qui prend la chanson en main, accompagnée par une jolie fille qui maltraite une antique batterie. L’auditeur se lève et lève son poing aussi dans un « Yeah ! » aussi revigorant que pathétique. « I think i’m gonna stick around for a while so you’re not alone » chante Jack White puis un peu plus tard « Any Man with a microphone can tell you what he loves the most. » Comme il a raison, et comme c’est réconfortant de voir ces fantastiques morveux venger le temps d’une chanson le monde de la médiocrité… Moins destructeur que leur premier album et peut-être moins évidemment pop que De Stijl, White blood cells est l’album malade des White Stripes, le grand chambardement émotionnel récapitulé par une comptine fascinante sur les paradis perdus de l’enfance (et Ray Davies de se frotter les mains) intitulée We’re gonna be friends qui ouvre la deuxième partie de l’opus. The Union forever est une désagréable constatation vexée et rageuse où l’on entend distinctement un garçon renoncer à l’amour : « Well I’m sorry but i’m not interested in gold mines, oil wells, shipping or real estate/what would i liked to have been?/everything you hate/ because it can’t be love/for there is no true love. » Toute traduction demeure superflue. Et le reste de l’album est à l’avenant, alternant chansons mortelles, mélodies immaculées et guitares assassines. Avec ces allures de grand tube misogyne et imparable, I’m finding it hard to be a gentleman est déjà notre titre de rupture préféré. Sur This protector, morceau final au piano on croirait entendre le grand Daniel Johnston… La liste des fantômes géniaux qui hantent ce disque pourrait être longue mais les White Stripes sont uniques.