Comme tous les empires, le music-business doit vivre avec son village d’irréductibles. Emmenée par les Flaming Groovies, Big Star, les Jam ou par quelques petits chefs comme Dwight Twilley et les Replacements, la tribu power-pop n’a jamais lâché prise depuis les années 60. Aujourd’hui, aux côtés des Australiens d’Even ou de You Am I (incontestablement l’Abraracourcix du village), des Ecossais de Teenage Fan Club, des Américains de Velvet Crush ou Fastball (quelques crans en dessous), Shazam livre à son tour un excellent disque de pop explosive.

Ce trio texan a finalement réussi le plus difficile : réinventer un genre pour la énième fois, proposer une musique classique, référencée, sans jamais verser dans le plagiat. Si bien que ce God speed the Shazam s’écoute d’une traite en secouant la tête et non pas sagement assis comme un private-joke entre puristes. The Stranded stars constitue, par exemple, un sommet de pop-glam. Vu d’ici, Placebo paraît minuscule. Sunshine tonight joue la carte du son mod tout en nerfs, tendu et mélodique. Parka kaki de rigueur cet hiver. Gonna miss yer train s’impose comme le brûlot du disque, un rythm’n’blues agressif, au maximum selon la devise des Who. L’intro évoque un début de répétition rageur et le refrain possède une intonation soul absolument parfaite.

Sans réinventer la roue, les gars de Shazam trouvent tout de même un ton, un passage bien à eux sur chaque titre. La voix de Hans Rottenberry, directe et accrocheuse, y est pour beaucoup. La production également. Le dénommé Brad Jones a concocté un son live rugueux sur l’ensemble du disque mais ne s’est pas contenté de cette optique garage. Un grand disque pop se reconnaît avant tout aux détails, à l’orfèvrerie et, sur ce terrain, Brad Jones possède un flair à la George Martin. La note de piano martelée sur Stranded stars, les timbales symphoniques sur Calling Sidney, l’étrange incursion de cordes classiques sur City smasher, le faux départ en rythme ternaire de Some other time… les Shazam aiment le raffinement mais n’en font jamais trop. Ils connaissent la différence entre l’ivresse et la cuite. Des hommes de goût. Aux dernières nouvelles, l’album suivant serait déjà en boîte et Paul Weller les aurait contactés pour assurer quelques premières parties. Un conte de Noël pop.