Si Rough Trade est sans doute le meilleur label rock du monde (The Moldy Peaches, The Strokes), les Libertines ne sont peut-être pas « le meilleur groupe d’Angleterre », comme l’ont annoncé un peu rapidement les couvertures du NME. La presse musicale anglaise, pas nationaliste pour deux sous, a voulu voir en eux la réponse anglaise aux Strokes, avec l’idiosyncrasie cockney-prolo de rigueur. Vu l’état de la production musicale en Angleterre, ce groupe est sans doute effectivement ce qu’on pouvait attendre de mieux du pays de Robbie Williams, mais The Libertines est juste un bon groupe de rock, moins efficace et au moins aussi original que les Strokes. C’est-à-dire, complètement passéiste.

Après un premier single tapageur, intitulé What a waster, et banni des ondes de la Radio 1 pour usage immodéré de grossièretés, les Libertines (qui tirent leur nom d’un livre du Marquis de Sade) se sont forgés une réputation de soudards avérés, adeptes 2002 du no-future. En quelques concerts fortement alcoolisés et chambres d’hôtel dévastés, la sauce a monté autour de leur rock-attitude, en une étrange curiosité pour leur manière de se brûler par les deux bouts : regardez bien ces jeunes gens, ils ne vivront pas jusqu’à 30 ans. Peu importe, écoutons leur disque.

Vaguement produit par l’ex Clash Mick Jones, Up the bracket contient peu de réelles bonnes chansons au final, mais quelques bombinettes punk-rock bien troussées, du Damned-Clash de Horror show au buzzcockien Up the bracket en titre. On apprécie quand même par ailleurs la madeleine brit-pop, quand sont aussi convoqués les Smiths (Time for heroes) les Kinks ou The Jam. Les Libertines évitent de peu l’écueil de la nationale-nostalgie Parklife en insufflant à leurs mélodies une énergie punk urbaine bienvenue. Brit-punk.