« Boom. Yeah, it’s fat. Press it. Drop it ». Une formule simple qui fait le jeu des latinos Beatnuts depuis une dizaine d’années. Ju Ju et Psycho Les ne se lassent pas de souffler sur piste leur flow gras et fétide : bières, joints, tacos et tigresses au bout des lèvres (Kool Ass Fashion, le troisième membre aujourd’hui connu sous le nom de Al Tariq, ayant quitté le groupe en 1994, après une conversion à l’Islam).

A quelques bâtons de dynamites prés (Psycho dwart, Give me tha ass ou Fried chicken sont absents de la tracklist) ce Classic nuts vol.1 rassemble dix des meilleurs titres des Beatnuts, piochant dans quatre albums, de Intoxicated demons (1993) à Take it or squeeze it (2001). Inutile de s’étendre sur les deux inédits However whenever et We got the funk en plages de fin, qui sonnent, (en particulier ce dernier basé sur un sample original à peine digéré), comme un passage obligé. Il est vrai que comparé à la voracité qui précède…

World famous donne le ton de la texture des sons: « It’s not really spanish all the way, but it’s more Afro Spanish ». Et oui petit papa, le funk a tendu sa toile dans ce bouge hip-hop infernal et tu vas te faire manger ! Plus loin « I got more beats than portoricans got cousin » fait le point : ici, on s’égratigne soi même et on pulse. Ces producteurs Mcs, moins prompts à secouer la fibre latine que n’ont pu le faire Cypress Hill, dont ils ont remixé quelques titres, aiment bien les gros calibres. Ni fins, ni prodigieux, plutôt épiques et concentrés en basses, certains titres figurent par petites touches une BOF de série Z infectée de vampires extraterrestres, ou bien encore une comédie musicale haletante et décadente (No escapin’). D’autres, de leurs scratchs poids lourd qui asticotent l’oreille, donnent envie de bouncer rageusement (Off the books).

Bien qu’ils aient l’air étonnamment constipés sur cette pochette, rien ne donne envie de pleurer chez ce duo qui surnage l’underground depuis ses premières armes comme Dj aux côtés de Monie Love pour Pups lickin bone, son premier album sorti il y a 11 ans. Une chose explique leur singularité, Ju Ju et Psycho Les sont d’abord producteurs. Watch out now, avec son petit pipeau récurrent perdu dans un déluge de basses et son slogan clair et net (« Get money get money ») est devenu un monument du rap qui bouillonne et claque. On imagine sans peine Eminem affûtant son flow sur celui de Ju Ju ou Jay Z titillé à l’écoute de Turn it out. La mise en scène mégalomane de Vol. 3-life & times of S.Carter n’étant pas éloignée du décor sonore de ce titre.

N’est pas Beatnuts qui veut. Débrider les désirs les plus primaires avec autant de persuasion relève d’un art consommé (pour cause). Un indice : quand il découvrit leurs premiers sons, Afrika Baby Bambataa les baptisa du nom qu’on leur connaît. Ce Classics nuts vol 1 semble parfait pour les néophytes de la « Beatnutsite ». Mais même les premiers accros de hip-hop US pur jus des 90’s glorieuses pourront se laisser tenter par ce pot de frasques old school fringuant, carré, parfois cocasse.