Des trois ou quatre jeunes recrues de la chanson française dite « indépendante » qui nous sont apparues au début des années 90, Sylvain Vanot est une des plus discrètes. Il n’a pas encore eu la reconnaissance des originaires de Nantes ou de Vendée Dominique A et Philippe Katerine, malgré un public qui lui semble fidèle, et le soutien (très) affiché de l’Auvergnat Jean-Louis Murat, qu’il remercie chaque fois en soulignant que « sans lui… », ne lui a finalement pas autant servi qu’on aurait pu croire. Ce qui l’aurait peut-être desservi justement, fut sa présentation au cours de ses premiers concerts (en première partie de la tournée Murat de 1993) après la sortie de son premier album éponyme. L’arrogance et le parti pris de jouer « au grunge bruitiste » a créé entre son public potentiel et lui un fossé qu’il a encore sans doute du mal à combler. Ce qui est sûr, c’est que Sylvain Vanot ne joue absolument pas la carte de la séduction. Il est délibérément un solitaire.

En fait, originaire de Saint-Germain en Laye, Sylvain Vanot n’a pas bénéficié du côté « provincial » de A et Katerine (Jean Bart, le Suisse, est, lui, dans un autre cas… et donc beaucoup plus isolé encore) mais il n’est pas assez « parisien » non plus pour pénétrer le microcosme. Alors que les autres font terriblement bien ressortir leur francité, Vanot s’est tourné vers un son plus proche de Neil Young. Certains lui ont reproché d’ailleurs alors que c’est aussi ce qui nous avait soufflé sur son premier album.
Avec (En attendant) tout brille, c’est une ouverture sur le monde que Sylvain Vanot nous offre. En effet, les deux reprises qui figurent ici viennent, l’une d’Afrique, l’autre de Grèce. Succulente, La Bêtise humaine est une vraie chanson pédagogique comme seuls les Africains en font encore. Le pauvre travaille pour le riche, la femme se fait exploiter par l’homme qui, lui même, est au service du colon… La chanson est drôle dans toute l’horreur de son propos ! Yannis, jouée comme il se doit « à la grecque » est, elle aussi, très drôle alors que le reste est, dans l’ensemble, beaucoup moins rigolard. A faire ce choix de l’acoustique et de l’intimisme, Sylvain Vanot nous permet de bien réécouter ses textes. (En attendant) tout brille se rapproche en cela de l’extraordinaire Unplugged de Neil Young de qui on l’a déjà beaucoup rapproché. C’est à prendre comme un compliment et non à subir comme un poids. Déjà, sa voix est infiniment plus touchante, proche de la confidence à l’oreille alors qu’il avait pu avoir tendance à « lâcher la sauce » dans les aiguès. Du coup, ses mots vont droit au cœur et touchent leur cible avec plus de sensibilité. Les arrangements, quant à eux, signés par une équipe soudée, sur des cordes de guitares et de violoncelles, transforment chaque chanson en autant de classique.

Corvéable à merci, Mary, ville morte et Vipère (qu’on avait déjà entendue en concert) sentent bon le règlement de compte autour d’un feu de bois genre « on s’dit ce qui ne va pas mais on le dit calmement sans se fâcher ». La Vie qu’on aime renvoie à nouveau à Neil Young mais en acoustique cette fois alors que la version du premier album était nettement plus électrique. Les chansons d’amour (Petit bois, L’Instant que je guette et Egérie) sont frissonnantes de tendresse. Cette dernière, qu’on trouvait un peu faible sur l’album du même nom, gagne en profondeur ; l’unisson avec le violoncelle y étant sans doute pour beaucoup. Quand à Trop tôt, c’est, avec Mary, ville morte, le sommet de l’album. En attendant le prochain vrai album donc, on écoute (En attendant) tout brille lové dans le canapé.