A la suite d’un mini-album assez expérimental, Maximum priest EP, Tom Jenkinson est de retour pour nous livrer ce Selection sixteen, nettement plus classique mais tout aussi bon. En effet, après avoir collaboré avec Autechre, Wagonchrist ou encore Yee-Kinh sur plusieurs essais relativement novateurs, Squarepusher repart ici vers ses aspirations technoïdes aux relents d’acid jazz 70’s, qui ont forgé son style. Pas de grands changements, donc, ni trop de surprises, mais les titres sont toujours aussi réussis et, surtout, très entraînants. Tom Jenkinson continue à manier, avec virtuosité, rythmes, samples et jeu de basse frénétique sur ces treize morceaux peaufinés aux arrangements complexes, dont la force majeure réside dans l’illusion de simplicité qu’ils laissent paraître.

Toujours aussi plaisantin, Jenkinson s’amuse encore et toujours à superposer ou enchaîner ambiances naturelles et passages extrêmement synthétiques. Avec la série de morceaux Yo / Mind rubbers / Tesko, les calmes atmosphères jazzy ouvrent et ferment de longues élancées de jungle frénétique aux rythmiques syncopées (du Squarepusher pur et dur !). Mais d’une manière générale, de petits interludes de jazz classique apparaissent régulièrement sur l’album, comme pour faire redescendre l’auditeur qui vient de se prendre tout un tas de rythmiques furieuses dans la face. Sur quelques morceaux (Dedicated loop, Tomorrow world ou Cool veil), Tom Jenkinson revient à des beats bien plus linéaires afin de mettre la mélodie en avant. Ici, il ne se cache plus derrière ses murs de boîtes à rythme, et nous montre bien que ses qualités de compositeur égalent largement ses qualités de programmateur.

Lorsqu’on étudie bien l’objet, on suppose que l’album est tout d’abord dédié au format vinyle. Les treize morceaux s’enchaînent de manière à former plusieurs petits regroupements, destinés à remplir les quatre faces du double-album en des mouvements de musique quasi ininterrompue. Les adeptes de ce support auront d’ailleurs droit à un EP bonus en prime, qui n’accompagne pas l’édition CD : Anti-greylord protection scheme prelude. Ici, Jenkinson se lâche dans des délires dance-hall (revisités par l’esprit Squarepusher, ce qui donne un résultat assez décalé…) ou encore dans un hallucinant morceau progressif tout en montée (Ceephad Mix). Sans vouloir aller chercher trop loin, Squarepusher signe donc avec ce Selection sixteen un album n’innovant que très peu par rapport aux précédents mais qui reste tout de même une assez bonne réussite.