Il est évident que ce disque ne va pas plaire à tout le monde. Déjà, l’an dernier, à la même époque, l’arrivée sur nos platines du premier album d’une jeune Néerlandaise, Elisabeth Esselink, cachée sous le pseudonyme de Solex, en avait surpris plus d’un. Comment une jeune fille toute seule dans sa maison pouvait être capable d’une telle maîtrise des machines ? Solex vs. the hitmeister mettait à mal la virilité affichée de certains mâles, tant dans le milieu des musiciens que dans celui des critiques. Amsterdam n’étant pas vraiment connue pour ses musiciennes, il allait falloir réviser sa géographie et compter désormais avec cette jolie jeune fille longiligne et blonde comme les blés. Et qui plus est dotée d’un beau brin de voix et d’un humour tendance cynique. En effet, tous les titres de ce premier album comportaient le mot « Solex » et contaient les mésaventures d’une certaine Solex dans sa vie quotidiennes et les difficultés de son couple.

Mais c’est surtout la musique de Solex qui nous concernait. Si on sentait bien que tout cela était fait « à la maison », l’étonnement venait de l’origine des sons. Elisabeth Esselink avouait qu’elle n’était pas vraiment une instrumentiste et que ses techniques de travail avaient pour base la prise de son, l’échantillonnage et le copier/coller des samples. Voilà l’explication !
Sur ce nouvel album Pick up, Solex met les bouchées doubles. Ses techniques se systématisent, certes, mais surtout, elles s’affinent. Si Solex vs. the hitmeister sentait bon l’amateurisme et un tantinet le tâtonnement (même si l’album entier était vraiment plaisant à écouter), Pick up va beaucoup plus loin. Avec Pick up, Elisabeth Esselink montre désormais une parfaite maîtrise de ses techniques, et si elle les pousse jusqu’au procédé, c’est en assumant le tout. « J’ai un nouveau concept qui n’a jamais été utilisé auparavant. Mais je ne vais pas vous dire ce que c’est », s’amuse à répéter Elisabeth Esselink.

Mais on a compris qu’elle adore jouer avec les machines après avoir tendu le micro dans tous les sens. Dès les premières minutes de Pick up, on a d’ailleurs saisi le parti pris de la demoiselle. Elle s’est appliquée à pirater tous les concerts auxquels elle assistait (classique, jazz autant que rock ou heavy metal, musique cubaine autant que contemporaine) et elle a ensuite découpé les bandes afin d’en extraire des cellules rythmiques, des bouts de mélodies, des solos de percussions ou de guitares, des riffs ou des développements.
On se retrouve ainsi au gré des morceaux dans l’univers de Parade d’Erik Satie (Dork at 12 o’clock) des Ailes du désir de Wim Wenders (Ho blimey !), des films de Fellini avec une musique de Nino Rota (Randy Costanza) ou dans celui de notre Catalan de Pascal Comelade (That’s what you get…), mais le plus souvent dans celui de Sonic Youth, Blonde Redhead ou That Dog, tous ces groupes à tendance bruitiste avec voix de femme-enfant en avant, ou enfin celui du trop méconnu groupe belge -l’album a d’ailleurs été mixé en Belgique- Adult Fantasy (The burglars are coming !). Il est donc évident que ce disque ne va pas plaire à tout le monde.