Je traverse l’inhospitalier parc de la Villette pour atteindre le Trabendo. Cet abri jadis nommé Hot Brass fut une tentative de club de jazz tel que les crétines années 80 pouvaient le concevoir autour de minuit. Le voici relifté techno-branchouille par le miracle d’un second baptême et de crobards à la UNKLE barbouillés sur les murs. De sa vocation première, il lui reste malgré tout un aménagement de restaurant karaoké, avec des plates-formes cernant la scène et une fosse absurdement asymétrique. Cette salle ne ressemble donc à rien et c’est une véritable partie de Donkey-Kong que d’y zigzaguer pour aller boire un verre ou le pisser. C’est dans ce cadre que le label Mute a choisi de présenter un éventail de ses plus récentes signatures.

En apéro, Appliance, avenant trio techno-pop, exécute statiquement un agréable set de berceuses pour salle encore vide. La formation comprend un bassiste, malheureusement sous-mixé, et deux tripoteurs de Norlead et Quasimidi, dont un chanteur occasionnel. Celui-ci empoigne une merveilleuse De Harmon pailletée pour rocker un chouïa.
En deuze, Echoboy assène un rock assommant de guitares saturantes et moog poussif. Et affiche des prétentions festives déplacées. La médiocrité de cet orchestre est une surprise renouvelée avec constance puisqu’il entreprend de toucher à des styles différents avec un égal malheur : fusion dance rock, noisy-pop, heavy-rock seventies. Le public, qui arrive alors, reflue vers le bar.
La tierce partie du festival est constituée par l’apparition surprise de Goldfrapp, sensation néo-trip-hop de cet été Soit un vieux barbon pilotant des échantillons de bandes sonores de westerns spaghetti et une souris de conservatoire hululant dans un micro préparé. Plus un requin carré à la batterie et une sorte d’André Rieu manipulant un biniou électrique et hideux, enduit de chantilly delay pour faire section. Cette parodie du Beau et du Majestueux méduse le Trabendo, soudain transi d’amour. Je n’y vois clairement que Roublardise et Succion de Roue de la part d’un renard sans talent qui pompe éhontément Portishead. Berk. Quel manque d’imagination dans les rythmes, les harmonies, les mélodies !… et que les gargarismes de cette Yma Sumac de Roda-Gil me portent sur les nerfs !

Je préfère donc le rhum au mambo et patiente au bar avant le set d’Add N To (X) pour lequel je suis venu. Hum, la bière est à 25 F. Et je n’ai pas fini de patienter puisqu’il faudra presque une heure pour le changement de plateau ! Un câble qui merde provoque la panique des roadies obligés de passer en revue l’entière connectique des quinze vintageries analogiques entassées sur scène. Finalement le quatuor heavy-moog paraît et entame un concert foireux, devant un public fabuleusement mou. Barry glande en clopant et pète le theremin. Il hoche la tête en toisant le batteur. Ann se plante en plein Plug me in. Gary s’empare d’une basse-stick mais est frustré par les dénégations de Barry. Pour tout arranger, l’ingénieur du son mixe la façade en dépit du bon sens. C’est un soir sans, à mille lieues du concert extraordinaire au Batofar l’an dernier. Le groupe décolle à l’arrache en fin de set, à l’occasion de quelques convenables punkeries Pour finir, le batteur défonce routinièrement ses caisses. Décevant. Je ressors exténué en pestant contre les festivals, les événements, les assortiments de confiseries de Noël. Si les artistes n’y prennent garde, les curateurs auront la peau de l’art.