On les avait laissés l’été dernier sur une fin de tournée mondiale poussive et sans grand intérêt. Avec comme triste bilan de fin, au delà des millions d’albums écoulés et des millions de fans dans les stades, un spectateur tué à Dublin, un clavier mort d’overdose et son batteur copain de défonce, viré pour poudrage de nez un peu trop intempestif. Bref on n’était pas loin du chaos chez les Smashing, dernier dinosaure du grunge US, version romantico-musclée.

Et puis voilà qu’au plus fort de la tempête, le groupe nous revient avec un disque mature, intelligent, bien loin de la rage post-adolescente crue de Mellon collie… Bien sûr, la musique de Corgan est toujours aussi sombre et tourmentée (suicidaires s’abstenir !), mais les grosses guitares sont restées au garage et les claviers sont revenus pour des titres mélodiques à souhait. Une atmosphère générale d’ailleurs très proche d’un The Cure façon meilleure période, le groupe fétiche d’une new wave écorchée des plus surprenante pour un groupe plus habitué aux six cordes qu’aux 52 touches. Ainsi, Appels and ,range, l’un des meilleurs titres d’Adore, associe-t-il à merveille rythmes métronomiques et nappes synthétiques pour un son plus proche des années 80 que de cette fin de siècle. Sans renier le gros son qui à fait sa gloire –Ava adore et sa basse dévastatrice et Pug dont les guitares explosent comme des giclées d’acide- Adore nous dévoile une autre facette des Smashing Pumpkins : celle d’un groupe toujours vampirisé par les problèmes persos de son leader -la quasi totalité de cet opus étant étroitement liée au récent décès de môman Corgan- mais capable de se remettre en cause pour offrir à ses fans autre chose qu’une resucée de l’épisode précédent.

Ceux qui s’attendaient à se faire saigner les étagères à mégots en seront pour leur frais. Pas grave. Les autres apprécieront sans difficulté ce virage important. Ils goûteront avec plaisir les petits airs jazzy d’Annie hog et surtout de For Martha, les accents mélancoliques de Shame et se souviendront sans mal de leur époque Robert Smithienne sur Daphné descends ou Tear.

Bon, bien sûr, un petit quart d’heure de moins aurait sans doute rendu plus digeste l’écoute de ces 70 minutes aussi gaies qu’un soir de décembre pluvieux, mais à l’impossible nul n’est tenu. Et avec Adore, les Smashing Pumpkins prouvent au moins qu’il est possible de sortir sans trop de casse de la période grunge. Attendons la suite avec impatience, car nul doute que cet album de transition ouvrira des horizons bien plus larges aux trois de Chicago. A moins que pris d’une subite joie de vivre, Corgan ne se décide à faire du musette….