Craig Clouse est prolifique. Mais en plus de ça, il signe sur les meilleurs labels du moment. Powder Horn (titre de génie !) était sorti sur Diagonal, le label de Powell, tandis que le fort réussi 54 Synth-Brass, 38 Metal Guitar, 65 Cathedral paraissait il y a quelques mois à peine sur Rocket Recordings. Entre un label orienté No Wave Techno et un autre plutôt versé dans le Space rock et le Stoner, le moins que l’on puisse dire, c’est que Clouse aime brouiller les cartes. Du coup, c’est presque étonnant de la voir débarquer chez Mego pour ce dernier album. Le bonhomme aurait-il emprunté la voie de l’avant-garde « sérieuse », après une décennie de noise-rock percussif  et de weirdo-techno désaxée?

Craig Clouse est prolifique. Mais en plus de ça, il signe sur les meilleurs labels du moment. Powder Horn (titre de génie !) était sorti sur Diagonal, le label de Powell, tandis que le fort réussi 54 Synth-Brass, 38 Metal Guitar, 65 Cathedral paraissait il y a quelques mois à peine sur Rocket Recordings. Entre un label orienté No Wave Techno et un autre plutôt versé dans le Space rock et le Stoner, le moins que l’on puisse dire, c’est que Clouse aime brouiller les cartes. Du coup, c’est presque étonnant de la voir débarquer chez Mego pour ce dernier album. Le bonhomme aurait-il emprunté la voie de l’avant-garde « sérieuse », après une décennie de noise-rock percussif et de weirdo-techno désaxée?

Loin de là, si l’on en croit les douze titres d’Everybody’s a Fuckin Expert (autre titre de génie !). Évidemment, la musique qu’il a enregistrée pour le label de Rehberg est moins hirsute que son précédent fait d’armes chez Rocket Recordings. S’il continue de creuser un revigorant sillon « proto-techno », qui positionne son groupe en Butthole Surfers de la dance music, le tonton flingueur a jugulé ses envies d’épilepsies et de baston en sortie de club à 5 heures du mat’. Certes, on aimait ça, mais ce virage est un vrai dépaysement.

D’autant que Craig Clouse n’est pas devenu poli pour autant, loin s’en faut. La musique d’Everybody’s a Fuckin Expert donne le sentiment qu’il copie sous forme d’esquisses rudimentaires, dans un style mal léché et un peu cradingue, tous les tics de l’EDM et du Big Beat, les mélodies sucrées en moins. Champ sonore haché menu, voix autotunées mais complètement destructurées et rejetées au fond du mix (« Working on my Fitness »), sons de sirènes entêtants, ruptures rythmiques sans queue ni tête : Clouse ne recule devant aucun cliché. Il s’y vautre même avec un plaisir rare, un peu comme ces types qui transforment une blague débile en un chef d’œuvre d’humour par la grâce simple d’un récit malin. Le talent de notre techno-texan est de renverser d’un geste toutes ces petites facilités vulgaires pour les assembler dans une musique totalement bizarre, déroutante et mal foutue (pas si loin des bidouillages solo d’Eric Copeland lorsqu’il prend congé de Black Dice ), mais à égale mesure érudite et maîtrisée, dans laquelle le bancal côtoie un talent rare pour trousser des beats déments et simples comme bonjour (« Chop the Night »). Sans compter des performances non moins insolites, le non-groupe revêtant, selon l’humeur, des masques de Fantômas surmontés d’oreilles de lapin ou des cagoules de cuir. Néo-situ des back gardens ? Gummo du revival techno ? On ne sait pas bien où va Clouse et lui-même ne le sait probablement pas non plus, navigant à vue dans un programme qu’il invente au fil de ses productions, mais dont il se fiche en réalité comme d’une guigne. Ce dont on est certain, en revanche, c’est du sentiment de fraîcheur et de spontanéité que procure sa musique, comique et puissante, irrévérencieuse et dionysiaque comme jamais.