Pas d’album depuis six ans, on se demandait bien ce que Robert Wyatt, grand timide dissimulé derrière sa barbe, pouvait ruminer. Nous voilà fixés. A force de ruminer, il a fini par rugir un album d’une grande qualité, où l’on entend, une nouvelle fois, tout son savoir-faire et sa finesse. Rien de forcé dans ces onze morceaux, mais l’imagination vagabonde d’un homme qui, bien que cloué sur un fauteuil, n’a peut-être jamais autant voyagé en esprit, du moins depuis le légendaire Rock bottom. C’est dire si l’on est heureux de le retrouver dans cette forme éblouissante, qui plus est entouré de musiciens de renom et de talent : Brian Eno, Phil Manzanera, Evan Parker ou Paul Weller. Tout ce petit monde a visiblement pris et son temps et du plaisir à apporter de petites touches aux mondes que Wyatt crée dans chacune de ses chansons.

C’est un album apaisé, mais jamais ennuyeux, le disque d’un rêveur qui aurait les pieds sur terre. On y retrouve les influences classiques du divin barbu -c’est-à-dire un mélange de rock progressif maîtrisé et de jazz libre- auquel s’ajoutent des petites innovations question rythmique, et on retrouve même un sample ! Le coquin s’est bien amusé, depuis un Out of season splendide d’ascétisme jusqu’à un plus complexe Septembre the ninth en passant par l’une des pièces maîtresses de ce Shleep, Blues in Bob minor, vraiment impressionnant d’inspiration. Cerise sur le gâteau, le bougre s’offre une reprise du Whole point of no return de Style Council, démembré sans l’aide de Weller. Farceur, va !