Le temps de caler quelques samples extraits d’une BO 60’s achetée à la Fnac, n’importe quel apprenti électronicien peut s’inventer une filiation douteuse avec Ennio Morricone, John Barry ou Lalo Schifrin… Le cas de Rob est plus complexe. La jeune recrue de chez Source n’est pas un chasseur de sons au savoir-faire éphémère mais un compositeur fasciné par les musiques de films. Un maxi 3 titres, publié en 1999 et sobrement intitulé Rob, nous avait fait espérer un brillant premier album. Don’t kill, au contraire, nous laisse un goût amer. L’excitation de Rodeo 69 est retombée, faisant place à des ambiances planantes trop connotées 1975. Avant cet album, personne n’avait puisé aussi ouvertement dans la molle tiédeur des BO 70’s, exhumées sans grand succès par les labels Plastic et Easy Tempo pour le bonheur exclusif des amateurs de coproductions germano-italo-françaises. De 1970 à 78, les films d’exploitation européens (principalement des soft-porns) ont déversé leurs flots de mélodies sirupeuses, de claviers mellow-funk et d’orchestres mélodramatiques. Au mieux, ces musiques de films auront agréablement illustré des scènes de jaccuzi trioliste, avec leurs plans de fellations filmées au ralenti dans les remous du bain. Au pire, on pense à certains films de Claude Zidi célébrant naïvement l’amour et l’amitié dans la France de Pompidou (cf. la bande de jeunes hilares dévalant une colline en 2CV pendant le générique de fin). Ces vaudevilles érotico-hippies n’ont peut-être pas inspiré Don’t kill mais ce sont malheureusement les seules images qu’il évoque. Tel est le risque encouru à vouloir ressusciter le Serge Gainsbourg de Cannabis (Asnières au soleil, Don’t kill) ou le Piero Umiliani de La Ragazza dalla pelle di Luna

Dans le paysage musical français, Rob est à mi-chemin entre Air -connexion Source oblige- et les Daft Punk. Trois qualités les unissent secrètement : l’innocence, un soin maniaque apporté à la production et une rigoureuse indépendance artistique. Globalement amusé par les dérives néo-symphoniques du dernier Daft Punk, sera-t-on aussi indulgent avec Don’t kill, hommage aux derniers petits-maîtres de la musique de film 70’s ? Certes, Don’t kill est préférable à n’importe quel disque d’Eric Serra mais il faut être un peu Nicolas Saada pour apprécier la subtilité des arrangements et la pureté naïve de ses ambiances. Dans ce registre néo-pop, le dandysme bon teint de Air semble piocher avec plus de mesure et de discernement dans le chaudron musical des dernières décennies. Un titre comme De la musique laisse particulièrement perplexe : est-ce volontairement du mauvais Michel Colombier période Wings ? Et pourquoi les titres orientalistes (Sitar flight ego, Sweet femke) s’inspirent-ils des pires ballades d’Ananda Shankar ? Mystère. Finalement, seul Power glove trouve grâce à nos oreilles même si la douce voix d’Astrale flanche un peu : ce proto-rock californien 80’s nous sauve de la pop moribonde et abâtardie des BO françaises 70’s.