Ritchie Hawtin, producteur sous le nom de Plastikman de quelques-uns des meilleurs albums de minimal techno des années 90, revient cette année avec un deuxième album de DJ-mix, mijoté à sa façon si particulière. Activiste de l’ »intelligent techno » (son projet Fuse figurera en bonne place dans les albums Warp qui lanceront le terme) depuis le début des années 90, cet américain féru de machines, résidant dans la région de Détroit, est une des pierres angulaires de la musique électronique de la fin du XXe siècle (son album Consumed, sous le nom de Plastikman, est un classique de dark techno deep et minimale) . Avec ce nouvel album, DE9, Closer to the edit, il entre de plain-pied dans le nouveau millénaire, en proposant une réflexion sur le travail du DJ, la juxtaposition et l’assemblage de parties musicales dissemblables et d’origines diverses, pour former un tout unifié et rapporté à sa propre identité artistique. Cet album de mix est avant tout un nouvel album de Ritchie Hawtin, on reconnaît sa patte entre mille.

A la différence d’un DJ mix traditionnel, se contentant d’enfiler les disques comme autant de perles autour du fil rouge du rythme et de la danse, DE9, Closer to the edit est un véritable travail de programmation, d' »editing », n’utilisant que les éléments basiques, les fondamentaux des morceaux choisis, qu’il s’agisse des propres titres de Ritchie Hawtin (ou de ses pseudos Fuse, Plastikman) ou des morceaux de Sergej Auto, Thomas Brinkman, Ricardo Villalobos, Rework, Carl Craig, entre autres. A chaque fois, ce sont des parties infimes, des squelettes de morceaux originaux qui sont choisis et séquencés pour produire une nouvelle création musicale qui n’a plus grand chose à voir avec les titres d’origines, que l’on peine plutôt à reconnaître.

C’est en cela que ce mix ne joue pas sur le plaisir vécu par le danseur de reconnaître des disques de sa propre collection, inhérent au genre, mais qu’il est une véritable re-création, à partir d’un matériau externe, une entité musicale rapportée nécessairement à l’auteur de la sélection et de la juxtaposition. Minimal, comme tous les disques de Ritchie Hawtin, DE9, Closer to the edit, fait la part belle aux textures, aux sonorités millimétrées, comme un canevas précautionneux et pulsatif, en une dialectique son/silence qui provoque une écoute forcément attentive. House ou techno, les 53 minutes de ce mix qui n’en a pas l’air, sont menées par un rythme prenant, comme un trip sonore, ici délivré de sa teneur psychogène, puisque c’est un album de danse avant tout, un album positif et hédoniste, qui ravira autant les adeptes du dancefloor que ceux du home-listening.