Bien entendu (ou plutôt pas entendu du tout), Richard Davis est un inconnu pour une bonne partie d’entre vous. Je dois avouer que le rapprochement de cet Australien de naissance avec ses collaborations passées ne m’avait pas sauté aux yeux non plus. Et pourtant… Richard Davis fut en effet la moitié « compositeur » du sublime duo d’un unique album signé avec le plus médiatique Eric Mathews sous le nom de Cardinal. Avant et après, Davis faisait partie des psychédéliques Moles. Et depuis, une carrière solo s’est ouverte à lui. Déjà deux albums, There’s never been a crowd like this en 1995 et ce Telegraph tout frais. Si ses productions en groupe créaient une musique riche de sons en tous genres, nous sommes ici en face d’un certain dépouillement en connivence avec la tradition folk. Ce qui permet d’autant mieux d’apprécier la construction de chacune des dix chansons de cet album. Avec un piano ou un orgue Hammond omniprésent, une ronde et élastique basse par ci, un court solo de guitare par là, nous sommes transportés par une six ou douze cordes acoustique qui soutient une voix lointaine comme celle du Teenage Fanclub (la tournoyante Cantina ou la fin de Days to remember). Autant dire, presque une rigueur de moine ! Et c’est là où Richard Davis nous enthousiasme le plus. D’abord parce que chaque instrument occupe une place unique, d’une clarté toute Wilsonnienne, si l’on peut se risquer à ce néologisme.

En effet, la tête des Beach Boys n’est jamais loin dans ce disque comme celle de Nick Drake (les arpèges de Main street electrical parade), celle bicéphale, des Beatles (Eye camera ou evergreen), ou celle, détraquée et désolée, de Vic Chesnutt (sur Crystal clear ou plus encore Days to remember). Si Richard Davis ne semble pas très joyeux, il n’est point déprimant. Son unique but de songwriter étant d’essayer d’écrire de bonnes chansons, pas forcément la chanson pop parfaite, mais celle dont la mélodie viendrait comme ça, juste en grattant des suites d’accords sur la guitare. On peut dire qu’il a beaucoup de chance, parce que ce Telegraph est riche d’une bonne dizaine de petits bijoux pop d’une apparente facilité, ce qui nous renvoie à un des modèles de cet Américain d’adoption, Neil Young (Confederate cheerio call ou Close to the storyline toute influencée par le Buffalo Springfield). Young, qui avait trouvé un fils en la personne de Jeff Buckley. Ce dernier nous ayant trop tôt quitté, Richard Davis pourrait bien reprendre le flambeau.