Après l’aventure Carte Blanche (Barclay), une compilation ressuscitant en version technoïde les standards eighties du célèbre groupe Carte de Séjour, on aurait pu croire que son leader Rachid Taha lançait son dernier cri. Sauf que dans ce condensé, l’artiste laissait présumer de sa nouvelle orientation avec le titre Ya Rayah qui détonnait par rapport à l’ensemble. Reprise du maître algérois, feu Dahmane El Harrachi, ce joyau figure aussi sur le tout dernier album Diwân (sorti également chez Barclay) du chanteur et fait d’ailleurs office de fil conducteur. En revisitant le patrimoine ancestral dans une approche contemporaine, l’ex-Carte de Séjour rend à sa manière hommage aux grands noms de la musique arabe.
Outre Dahmane El Harrachi qui illustre le traditionnel chaâbi algérois. Nass El Ghiwane fait appel aux rythmes confrériques des gnawas marocains sur le morceau Bani Il Insan, tandis que le légendaire Farid El Atrache revit sur Habina, sirupeux extrait des comédies musicales égyptiennes. Des exemples qui font de cet enregistrement un authentique album de souvenir aux couleurs panarabistes. Pour Rachid Taha, fils d’Oranais émigré en France à l’âge de 10 ans, ce disque est presque un devoir: « la génération beur ne doit pas oublier le répertoire qu’écoutaient les anciens dans les années 60, car c’est aussi notre histoire ». Produit par l’anglais Steve Hillage, connu pour ses productions new wave telle la collaboration avec Simples Minds, ce CD n’est pas sans rappeler le travail de la « mamie » du raï, Cheika Rimitti, avec Robert Fripp. Une comparaison particulièrement perceptible dans le savant dosage entre tradition acoustique (oud, derbouka, flûte…) et modernité électrique (guitares, synthés…) Bref du reggae-rock arabisant de ses débuts à l’arabic funky, en passant par la chanson française épicée à la sauce harissa, Rachid Taha nous invite au voyage sonore… En attendant de goûter au triplé scénique d’un soir, qu’il nous réserve avec ses amis (Khaled et Faudel) le 26 septembre prochain à Bercy.