Voilà au moins un groupe qui ne se soucie guère d’un quelconque passage sur les radios. Tout au plus peut-il espérer une diffusion en toute fin de soirée ou en pleine nuit dans ces émissions où le formatage est moins apparent et où on peut se permettre de présenter des morceaux hors norme. Car rien que la durée de leurs pièces (il faut bien employer ce terme avec ce type de musique) ne descend pas en dessous de cinq minutes. Plutôt une moyenne de huit minutes… Autant parler de courtes symphonies de chambre non pas à la manière des Beach Boys, mais dans un genre proche des délires électriques de Sonic Youth.
D’ailleurs, le rêve du sixtuplet (comme ils aiment s’appeler) affiché en toutes lettres sur leur site Web est de posséder, après celui du Vésinet dans les Yvelines, d’où ils sont originaires, « un squatt dans le Lower East Side de Manhattan, NYC où toutes les fins de semaines, ils iraient s’exhiber dans les boui-bouis de l’avenue X (Y ou Z), et puis de temps en temps au KGB (le bar préféré de Tg -Thierry Gacon, leur guitariste chanteur). Marielle (leur vocaliste) irait faire les courses avec Kim Gordon pendant que Toby (Sébastien Reggiany, l’autre guitariste chanteur du groupe) discuterait lévitation et distorsion avec Steve Malkmus, en promenant leurs chiens respectifs ».

New York, le KGB, Kim Gordon de Sonic Youth, Steve Malkmus de Pavement : le décor est planté. On a bien du mal d’ailleurs à la première écoute de Playdoh, l’album, à croire à leurs origines de la banlieue très chic de l’ouest parisien. Pourtant, on avait déjà été prévenus par quelque Diabologum, Heliogable, Prohibition ou Purr (dont deux des membres sont derrière les manettes ici, à la production) que les temps changent en France, du côté d’un rock intelligent et expérimental (et inversement : expérimentalement intelligent). Avec cet opus, le groupe s’engouffre dans une mouvance typiquement américaine qui, autour de Sonic Youth, irait jusqu’à Neil Young en passant par le Suicide d’Alan Vega, le Nick Cave de Birthday Party plus que de Boatman’s call (qu’ils citent pourtant dans leur top 5 !) -voilà pour les anciens. Mais plus encore Pavement et Blonde Redhead ou les Français cités plus haut.
C’est-à-dire une musique de guitares en proie à la tension et aux conflits avec les amplis auxquels elles sont raccordées. Une musique dont les morceaux se laissent aller dans le temps sans pour autant se perdre (The Cars are the stars étant la pièce maîtresse avec ses treize minutes d’une riche densité). Mais une musique où la voix a aussi sa place, et Marielle, Sébastien ou Thierry posent la leur avec délicatesse sur les trames riches en harmoniques mariés au feedback sagement maîtrisé. Pour les amoureux de ces sons-là, un disque chaudement recommandé.