Avec les Pixies, rien n’était simple… D’abord ils étaient méchants… Puis ils sont devenus moins méchants… Puis plutôt gentils… Pour finalement redevenir plutôt méchants… Pixies at the BBC vient à point pour nous rappeler que même lorsqu’ils versaient dans la sucrerie, les quatre kids de Boston étaient bel et bien des lutins malfaisants… La pochette du disque -vraiment dégoûtante- nous ramène d’ailleurs à l’époque bénie du tout premier EP, Come on pilgrim, tendance spanish-keupon, en inaugurant le retour du type « poilu du dos », cette fois photographié sous un angle qui laisse perplexe -non, personne ne s’est assis sur l’objectif pendant la prise de vue…

Cette compilation propose donc une série de morceaux live, pour la plupart enregistrés entre 1988 et 1991 lors des célèbres John Peel Sessions sur la BBC, dans un ordre qui laisse songeur -chronologique ? non… Thématique peut-être ? Peu importe… Dès le premier morceau, un Wild honey évadé de l’album blanc des Fab’ Four, confirmation : les Pixies éventrent bel et bien le rock à coups de dents style gore-movies… Les feulements orgasmiques du rondelet -à l’époque- Black Francis couvrent sans problèmes la guitare montée sur ressorts de Joey Santiago, la basse tranchante de Kim Deal et les percussions survitaminées de Lovering… C’est assez ahurissant de constater qu’un groupe à l’allure si débonnaire puisse dégager autant de sauvagerie ou de suave perversité -sur leurs chansons les plus « surf-pop » (Wave of mutilation, Ana) c’est un peu comme si Black Francis prenait les Beach Boys par les couilles… Pas étonnant qu’ils reprennent à la tronçonneuse (In Heaven) Lady in the radiator song, chanson piquée à la bande originale de Eraserhead

Comme l’univers de Lynch, les Pixies, sous leur aspect bon enfant, cachent un nombre incalculable de monstruosités inavouables… Quoiqu’on puisse penser des deux derniers albums, Bossanova et Trompe le monde, c’est une constante dans la courte carrière du groupe… L’ascétisme morbide de Dead, ou la noirceur moite de Subbacultcha paraissent encore plus évidents ici que lorsqu’ils subissent le « lissage » du studio…

Mais le principal attrait de Pixies at the BBC -outre le fait de renflouer les caisses de 4AD en manque de bonne signatures en ce moment- c’est qu’il se place en complément du récent Death to the Pixies en plaçant les standards du groupe en retrait et en privilégiant des morceaux moins connus, faces B (l’extravagant Manta Ray), ou les deux reprises précitées… Attention, que l’heureux possesseur de la discographie complète des Pixies -albums ET singles- ne s’attende pas à tomber sur l’exhumation inespérée d’un joyau resté caché dans les caves de 4AD… C’est juste qu’il n’y a pas que Gigantic ou Here comes your man dans la vie… Sage constat, à méditer en s’abimant les tympans sur les chansons abrasives de Pixies at the BBC.