De disque en disque, le chroniqueur émerveillé ne peut décidément que se répéter : d’un sommet (Blue prince, son précédent album, objet d’un vif enthousiasme dans ces mêmes colonnes lors de sa parution et d’inépuisables plaisirs à chaque nouvelle écoute), l’indispensable Catherine passe à un autre. Summer night, toujours en quartet mais avec des troupes renouvelées, confirme avec éclat (et même éclats, au pluriel et à l’électricité) que le guitariste belge est l’un des musiciens de jazz les plus passionnants, inspirés, attachants et imaginatifs qui soient, et l’on pèse ses mots. Sept compositions originales, six reprises : cela démarre comme un feu d’artifice avec Tiger groove, dernier né d’une série de morceaux jubilatoirement remuants aux intitulés parents (Guitar groove, Piano groove, Coffee groove) ; les nouveaux partenaires de Catherine font merveille, Philippe Aerts (contrebasse) et le remarquable Joost Van Schaik (27 ans et des baguettes à suivre, d’ailleurs recommandées au leader par Hein Van de Geyn) propulsant sa guitare claire et pleine d’un punch roboratif comme le moteur d’un bolide haut de gamme.

Son goût pour l’association guitare-trompette (formé au gré de ses collaborations avec Tom Harrell, Palle Mikkelborg et, bien sûr, Chet Baker) l’a par ailleurs décidé à faire appel à son compère de longue date Bert Joris, dont la sonorité étincelante (quoique volontiers plus tendres sur les tempos lents) et le phrasé irrésistiblement swingant évoquent par moments le meilleur Freddie Hubbard. Si ses visites à Kern & Hammerstein (All through the day) ou Monk (un Round about midnight agréable mais mineur) sont l’occasion de très agréables moments, c’est surtout avec ses propres partitions que se révèle le talent de l’ancien partenaire de Barney Wilen : tentations furieusement rock (impossible de ne pas battre du pied lorsque la guitare sature) ou mélodies nostalgiques et entêtantes (le splendide Letter from my mother), swing euphorisant (le bien nommé Francis’delight) ou tonique retour à la tradition des aînés et compatriotes Django et René Thomas, Philip Catherine est à l’aise partout, à tous les étages d’un univers musical protéiforme que l’on identifie aux premières notes et dont, une fois découvert, on ne peut décidément plus se passer. Ni effets de manche ni note en trop (l’apanage des grands), énergie contagieuse, élégance de dandy généreux : irrésistible, comme à chaque fois.