Nicolas Voskobolnikoff ne peut cacher sa grande joie de voir l’accueil on ne peut plus chaleureux réservé à sa dernière découverte. Sachez que Nicolas Voskobolnikoff est un des grands patrons de Polydor et qu’il déclarait au sujet de son protégé : « Nous avons eu une incroyable réaction en France où la presse, notamment des magazines comme Les Inrockuptibles ou Magic, ont encensé le premier album de Perry Blake« . Et ils ont raison. Ce jeune Irlandais de vingt-six ans a déjà l’étoffe des grands. Certes la valeur n’attend pas le nombre des années, mais là, force est de reconnaître que Perry Blake a réussi un coup de maître. Rare en effet sont les premiers albums qui transcrivent autant de maturité musicale. Nous avons eu, il y a peu, en 1994, le Dummy de Portishead, puis, l’année d’après, Who can you trust de Morcheeba. Gageons que cette antépénultième année du siècle retiendra Perry Blake, l’album et le personnage.

A-t-il eu besoin de souffrir autant pour créer une musique si mélancolique et désenchantée ? Ou bien s’est-il plongé dans les oeuvres de Peter Gabriel, Nick Drake ou autre Scott Walker jusqu’à en être submergé ? « j’ai bien conscience que mon travail s’inscrit dans une sorte de tradition européenne. Mes chansons semblent mélancoliques, mais il existe une certaine sensibilité pop qui n’est pas souriante », déclarait Blake.

L’album commence tout en douceur (Little boys & little girls) avec des sons que n’aurait pas renié l’ex-Genesis, des percussions électroniques et des cordes qui tournent autour de la voix toute de discrétion faite. The hunchback of San Francisco nous rappelle Portishead avec ses synthés se mariant -et avec quel bonheur- aux cordes. Puis arrive ce qui est sans aucun doute la plus belle du disque, 1971, la plus belle parce que complètement pompée sur ce chef-d’œuvre qu’est Way to blues de Nick Drake (sur Five leaves left en 1970). Des cordes en descente chromatique avec quelques bois et la voix tout juste posée sur l’ensemble orchestral. Anouska, quant à elle, est fortement inspirée des productions de Tears For Fears circa 1985 dont Shout (sur Songs from the big chair) fut un des plus beaux fleurons. Et ce n’est pas pour nous déplaire. Avec Broken statue, on se retrouve dans les sons actuels et c’est la voix, comme venue d’outre-tombe, qui nous fait chavirer dans de lointains lieux. Laissant tomber les cordes pour un équivalent synthétique, Perry Blake nous livre son amour pour Genevieve. Et les sons de Portishead, Archieve ou autre Jay-Jay Johanson font leur retour sur So long, Naked man, Widows by the radio, Weeping tree et House in the clouds qui clôt l’album. Seulement, autant on peut sourire à l’audition de certaines chansons de Jay-Jay Johanson, autant on ne rit pas du tout avec Perry Blake (cf. Genevieve ou House in the clouds). Pourtant, on se laisse prendre par cet univers d’un autre monde, où tout serait feutré, retenu, susurré comme un secret que l’on dévoile à son amour.

Perry Blake, l’album et le musicien, sont d’ores et déjà à inscrire dans le peloton de tête pour les albums (joyaux mais pas joyeux) de cette année (à la droite de Mark Hollis par exemple).