La petite Merrill Nisker s’y connaît pour mettre ses poils en valeur : sur l’inaugural The Teaches of Peaches, c’étaient quelques poils pubiens qui venaient nous saluer derrière une petite culotte craquante. Avec Fatherfucker, elle passe à la vitesse supérieure et c’est un proéminent collier de barbe, entre Robert Hue et La Planète des singes, qui court sur le minois de la canadienne la plus fréquentable depuis des lustres…

La métaphore pileuse peut même être davantage filée : si le premier album -traduisant les premiers émois- mettait la barre sous la ceinture, appuyé sur quelques beats épars avec une ou deux incursions rock encore incertaines, cette fois-ci la mue est achevée et le rock musclé devance l’électronique dans une perspective toujours aussi maniaquement primaire et graveleuse. Ca démarre en trombe avec I don’t give a… qui enfonce le sample du Bad reputation de Joan Jett à coups de vocaux félins à la Kim Gordon des grandes occasions. Sur la base de ce simple embryon de chanson (1mn20, tout juste), il y a de quoi renvoyer à leur tentative de ressusciter le rock’n’roll tout ces stériles groupes en The que l’on ne parviens même plus à dénombrer : être rock’n’roll en 2003, ça n’est pas recopier laborieusement un souvenir des Stones, mais c’est sans doute avoir le culot d’appeler un morceau Rock’n’roll et, qui plus est, que celui-ci soit un authentique grand moment de rock’n’roll !

Si l’expression « motherfucker » ne trouve de réel équivalent chez nous que dans le plus incisif « nique ta mère », Peaches s’offre sur Fatherfucker le luxe de niquer symboliquement son père puisque c’est Iggy Pop qui lui donne la réplique sur Kick it et qu’elle s’y amuse à détourner les paroles de son standard inoxydable I wanna be your dog en « I wanna be your cat / Go fuck your pain away ». La règle semble être : connaître ses classiques… et les détruire. Cette fille appelle sa boîte à rythme « sa MC5 » ! Ce nouvel album contient aussi son lot de pépites electro minimalistes (le magnifique Operate) et de rap mutant où on retrouve ce flow sexy et capiteux qui lui est propre (I’m the kinda et le géant Back it up, boys), avec parfois une insistance un peu lourde dans l’affichage trop clin d’oeil (I U she où elle glapit « I like girls & I like boys / I don’t have to make the choice ») même si le tout reste suffisamment jouissif pour faire passer la pilule…

Bien sûr, certains seront plus prompt à bouder leur plaisir et les grincheux en quête de « vraie musique » trouveront toujours à redire : la musique de Peaches n’est pas simple mais simpliste, et son auteur n’est qu’un vaste gag que l’on avait coutume de railler lorsqu’elle venait performer au Pulp ou ailleurs. Et ça n’est pas cette pochette au lettrage extrême (du pur « métalleux », plus jamais croisé depuis que vous avez perdu de vue votre cousin fan de Def Leppard et de mobs trafiquées) qui viendra rattraper le coup. On leur accordera seulement que Fatherfucker contient sans doute un titre de trop : le molasse Stuff me up avec Taylor Savvy. Mais ces grincheux peuvent-ils citer d’autres disques récents parlant avec autant de bonheur au corps (essayez de ne pas danser sur Shake your dix) et à l’esprit (car il y a un paquet de trouvailles assez fines pour avoir l’air d’être dues au simple hasard) ? Laissez-vous faire par Peaches, voilà quelqu’un qui sait parfaitement où se trouve votre point G…