(BMG)

Trois rééditions du discret et subtil Paul Desmond, qui a paisiblement construit son œuvre en marge du Dave Brubeck Quartet auquel il participa pendant seize ans, jusqu’en 1967. Influencé par Lee Konitz et proche de Chet Baker, il reste un des rares saxophonistes à n’avoir subi aucune influence, justement, de Charlie Parker, d’où son impopularité parmi les fans purs et durs de be-bop. On sait par exemple que Miles Davis et Charles Mingus le prenaient tout simplement pour un rigolo. Délicat et lyrique, son style charrie des tonnes de mélancolie. Sa musique est intemporelle et on peut l’écouter autant pour se réchauffer le cœur que pour se l’assombrir, ce qui revient au même. Si vous savez apprécier la douceur d’être triste, ces disques sont pour vous.

En effet, malgré une impression de facilité (Easy living), il serait aussi stupide de considérer Paul Desmond comme un artiste easy listening que de prendre Sonic Youth pour un groupe de hard FM. Thurston Moore lui a d’ailleurs récemment rendu hommage en sortant un e.p. dont le titre est sans équivoque : Leave me alone (with my Paul Desmond). Il ne s’agit donc pas d’easy listening (bien qu’il ait voulu, selon ses propres mots « sonner comme un dry Martini« ), mais bien plutôt de disques traitant de la douleur et de la solitude par le biais de torch songs immortelles (torch songs : « chansons traitant d’un amour malheureux »).

Accompagné par Jim Hall à la guitare, il donne une teinte personnelle et unique à des morceaux comme A taste of honey, Hi-lili, hi-lo ou encore Polka dots and moonbeams. Notons en passant que l’on peut autant écouter ces disques pour Paul Desmond que pour Jim Hall. Disciple de Charlie Christian, créateur de son propre langage musical, Jim Hall possède un jeu de guitare délicat, sobre et troublant, qui s’accorde à merveille avec le style du saxophoniste. Ces trois rééditions sont donc l’occasion idéale de découvrir ou de re-découvrir Paul Desmond, sorte de Woody Allen du jazz (par son sens de l’auto-dérision et son humour décalé) et saxophoniste préféré d’Anthony Braxton…

(À écouter aussi, sur le même label, l’album Bossa Antigua, dans lequel il donne sa vision personnelle de la bossa, à l’opposé de celle de Stan Getz…).