Les musiciens, grands enfants, sont aussi des fans. Admirateurs, à la volée, de quelques grands noms des scènes musicales bigarrées et transversales, leur béatitude les amène souvent à pousser la chansonnette avec des pygmalions insoupçonnés, à quitter quelques instants le devant de la scène pour réaliser leurs rêves harmoniques les plus secrets. Au rang des habitués du genre, Sonic Youth, groupe « presque à la mode », qui pousse vers les neon-lights des personnages cultes de l’inconnu musical (Merzbow, Ikue Mori). Et dans le grand fourre-tout du culte underground, Pascal Comelade fait figure de pape discret d’un minimalisme forcené et d’un art brut relâché. On retrouve à ses côtés, au hasard des albums, Miossec, Yann Tiersen, Robert Wyatt ou PJ Harvey. Sur cet album presque éponyme, exit le maître, place aux élèves.

Soucieux d’éviter l’écueil de la reprise, ce collectif japonais a choisi la voie de la fanfare, en opposition au dépouillement gentiment mécanique du trublion catalan. La formation, étoffée, rappelle les heures du Bel Canto Orquestra, groupe éclaté où Comelade côtoyait Jac Berrocal et Pierre Bastien, instrumentistes géniaux et amis de longue date. Le line-up, dirigé en douceur par Rocket Matsu, fait la part belle aux instruments comeladiens : pianica, mandolines, accordéons, toy-pianos, ukulele, scie musicale et autres mécanos musicaux. Le résultat, plus orchestral, ne tombe jamais pour autant dans la grandiloquence. Les thèmes, ritournelles simples et obsédantes, se font moins hispanisants, sans pour autant partir dans la relecture nippone traditionnelle. C’est bien d’ailleurs la réussite de cet album très cohérent que de faire cohabiter des cultures musicales éloignées en une rencontre fortuite sur fonds d’airs enfantins et d’aria populaires nostalgiques. Une musique nonchalante et troublante, facile sans être sucrée. Un exercice de relecture réussi.