Deux très grands maîtres, un répertoire élevé : le triangle parfait. Pandit Manilal Nag, né en 1939, est issu d’une lignée de sitaristes hors pair. Initié très jeune à l’instrument, il est l’un des plus éminents représentants actuels de la tradition de Vishnupur qui désigne une école, un style, le Vishnupur Gharana, où l’héritage du chant Dhrupad a façonné la conception instrumentale depuis trois siècles. Le jeu de Manilal Nag est à l’image de l’austérité de cet art. Dénué d’effets voyants, rigoureux, retenu, visant au dépouillement, il procède si méthodiquement que son classicisme architecturé en paraîtrait presque didactique n’était ce sentiment d’une constante majesté qui l’enveloppe. Le Raga Darbari destiné aux approches de minuit est ainsi doté d’un Alâp de plus de vingt minutes lui conférant une dimension impressionnante bien que recueillie. Sankha Chatterjee, l’un des tablaïstes les plus récompensés et couverts d’honneurs fut lui-même un enfant prodige débutant sa carrière de concertiste dès l’âge de cinq ans. Il épousera cette simplicité tout en participant au lent crescendo qui conduira enfin au terme emballé mais toujours strictement conduit d’une improvisation magistralement réglée. Le deuxième raga, Raga Mishra Kafi, beaucoup plus court et d’un ton plus léger, offre une autre facette, plus souriante du talent de Manilal Nag : fraîcheur, vivacité discrète, on ne voit pas le temps passer, comme assistant au lever du jour, conduit par sa main des heures de l’éveil à l’exubérance de la vie dans la pleine lumière. Ce programme complet donc, doucement contrasté, savamment équilibré, où l’élévation compose avec la séduction est source d’un profond ravissement.

Pandit Manilal Nag (sitar), Pandit Sankha Catterjee (tabla). Turin, décembre 1999.