Aaltopiiri signifie « wave circle », soit un phénomène acoustique qu’on pourrait traduire par onde cyclique. Titre assez hermétique qu’on liera plus volontiers à Kulma (titre du deuxième album du duo, qui signifie « angle ») qu’à A, qui ironisait sur la lettre perdue du nom Panasonic suite à l’absurde procès de la multinationale japonaise, en la déplaçant de quelques centimètres sur la pochette du disque. On s’attendait pour ce nouvel album à un retour à une éthique de son neutre et de « pure tone music » après l’incartade A, qui voyait le duo intégrer reverb et delay à son armurerie sonore analogique et refondre en profondeur son esthétique sévère. C’était sous-estimer le propos de A, qui était bien plus qu’un réchauffement des blocs de sons d’apparence monolithiques qui faisaient et font toujours le propos de l’art de Vaino et Väisänen.

Chez Pan(a)sonic, la réinvention est constante. A n’était pas une révolution mais seulement une étape de plus. Ce qu’A a fait de manière fondamentale, c’est apporter une nouvelle dimension à la musique de Pan sonic : l’espace. Et Aaltopiiri est la suite, l’évolution logique du parcours artistique du duo. On pourrait, presque comme en peinture, parler de périodes. Le duo continue d’explorer la troisième dimension, toujours sur le rebord extérieur de la musicalité, et de l’humanité.

L’album commence avec un pied de nez fait à cette humanité : après un silence assourdissant, une boîte à musique, probablement samplée à la radio, se confronte à une vacuité infinie, signifiée par un son de sonar lâché dans un espace sans limites. Si le vide à un son, Pan(a)sonic sait l’imiter mieux que quiconque (Vainio aime à comparer ses sons et sa musique à l’environnement sonore du monde microscopique). Puis, un rythme minimal ultra-répétitif, sur Vaihtovirta, sert de toile de fond à une énième exploration de l’onde sinusoïdale, qui, du coup, se met à onduler. Nous sommes en terrain connu, Pan(a)sonic continue son grand œuvre, on l’a déjà dit. Mais la troisième dimension transfigure le connu en arrondissant les angles, en démultipliant à l’aide d’un delay préhistorique les rythmiques carrées et monomaniaques en des quasi-grooves lancinants réminiscents des débuts de l’electro, en projetant la sévérité des sons dans un espace imaginaire, celui de la fiction.

Loin de constituer une quelconque concession à la musique, Aaltopiiri constitue une nouvelle ramification passionnante et ahurissante de l’art des sons, devenu de plus en plus complexe et singulier, sans aucun équivalent dans la création actuelle. Plus que jamais Pan(a)sonic (l’entité et le mot) signifie le son de l’univers : un secret magnifique que ces deux Finlandais sont les seuls à détenir.