Orly est l’étrange -et si banal, pourtant- patronyme derrière lequel se planque David Leroy. L’anonymat semble être d’ailleurs une obsession chez lui : effacement de la personnalité (attitude anti-rock au possible), blues des périphéries hanté de samples et bruitages incongrus. Cependant, le résultat est tout sauf empreint de conformisme. Tout juste pensera-t-on, de temps à autres, à Diabologum dernière mouture ou à un Jérôme Minière sépulcral. Sur Matériau, c’est la trame -logique- qui mène le bal, qui est exhumée puis exposée, au fil -contradictoirement- d’un joli travail d’enchevêtrement des tissus sonores.
Tout en à prouver que je n’ai rien inventé et son beat désincarné sur lequel Leroy pose sa voix, entre Miossec et Rodolphe Burger mettons, évoque la routine d’un univers en voie de déshumanisation, où le commun et l’insignifiant tendent vers la folie. Les quelques arpèges de guitare qui tombent comme un gimmick ne seraient donc qu’une réminiscence d’un monde oublié, révolu, construit en dépit du bon sens. A ce titre, la démarche n’est pas sans rappeler l’absurde posé comme postulat que l’on retrouve chez Einstürzende Neubauten (ces « immeubles neufs en voie de démolition »). Pas de quoi remonter le moral non plus avec Valse et sa constatation -défaitiste- du surplace qui nous guète : « Tourne, tourne sur toi/Comme tournent les années » ; on est à la limite de l’éloge de la morosité.
Cependant, les ambiances distillées par Orly sont loin d’être inintéressantes, et pour peu que les rythmiques-bélier (Construction #1) ne vous rebutent pas et que les déclarations nihilistes soient votre tasse de thé (R), Matériau est l’album qu’il vous faut pour cultiver votre spleen urbain.