Les sirènes du jazz électro ne sont pas toujours bonnes à suivre : avec Sonic trance, le brillant Nicholas Payton s’offre plus d’une heure pour prouver que sans autre projet artistique que celui de tripoter du sampler pour le plaisir de tripoter du sampler, l’électronique est un boulet bien plus qu’un outil créatif. Des boucles hip-hop, de belles nappes de synthétiseur vaporeuses, des cascades d’échantillons bizarres, une trompette joyeusement déformée, de l’acoustique baignant dans le digital, d’interminables solos sans queue ni tête auxquels on trouvera peut-être un très vague air de ressemblance avec les envolées psychédéliques les plus curieuses du Miles période Get up with it, des grooves funk au goût un peu réchauffé, de bonnes grosses blagues de potache pour que l’humour et le jeu ne soient pas en reste (une variation déglinguée du thème le plus célèbre de Scott Joplin, rebaptisée « Cannabis Leaf Raq ») : le trompettiste américain court dans tous les sens, empile tout ce qui lui tombe sous la main sans avoir l’air de se soucier de la cohérence de ses constructions et s’égare au final dans un magma jeuniste et monotone où ne s’impose aucun thème fort ni aucune ligne directrice. De l’ensemble, on ne peut plus inégal, sortent ça et là quelques épisodes plus marquants que d’autres, parce que réellement originaux (l’improvisation quasi-colemanienne de « Fela 2 », entre autres) ; le « tout va » général qui semble présider au reste ramène malheureusement Sonic trance à un niveau de musique d’ambiance léchée, trop impersonnelle et éclectique pour séduire. Un producteur aguerri aurait peut-être su lui conférer une vraie originalité ; en attendant, Payton semble avoir envisagé l’électronique comme un fin en soi plus que comme simple moyen. On passe sa route.